Omnicom, Publicis, Le Monde et les égaux

J'aimerai mettre en parallèle deux évènements : la crise du quotidien Le Monde d'une part et la fusion manquée entre Omnicom et Publicis d'autre part.
Ne serait ce qu'en raison de la proximité entre les métiers de chacun : journalistes et communicants ont beaucoup en commun. Ils travaillent ensemble bien souvent, le métier des seconds est un débouché très fréquent pour les premiers, d'ailleurs. Ils se regardent bien souvent en chiens de faïence et ne s'aiment pas forcément beaucoup. Combien d'articles chez les uns se moquant des coups de com' de tel ou tel dirigeant, combien de debriefings chez les autres sur le thème de la faute aux journalistes pas fiables...
Le lien que l'actualité crée à mon sens entre ces deux histoires tient dans un jeu de mots bien connu : il ne faut pas confondre égaux et ego.

Dans l'affaire Omnicom-Publicis chacun peut en effet vérifier une fois de plus la vanité de l'expression "fusion entre égaux". 
Dans un processus de ce genre il est préférable de ne pas oublier la partie "acquisition". Et oui au bout du compte il y en a un qui croque l'autre un poil de plus. C'est là que les égaux pardon les egos s'atteignirent...
Et quand l'ego se redresse, si ce détail a été négligé par l'une ou l'autre des parties, comme dirait l'autre ça fait pschitt. En l'occurrence, quand je lis les déclarations post-mortem de Maurice Lévy, quel que soit l'habillage de l'échec qu'elles représentent, je me dis aussi que le niveau d'engagement était un peu faiblard puisque chacun, dans le groupe, était encouragé à ne surtout rien changer à ses habitudes, ensuite que la confidentialité favorable aux échanges "de fond" n'était pas garantie puisqu'en fait la négociation a démarré avec l'annonce sur la terrasse des Champs Elysées au lieu de s'y conclure et enfin que les solutions de rechange étaient un peu nombreuses et pas forcément défavorables aux uns comme aux autres.

Dans le cas du Monde, nous sommes témoins d'une escalade émotionnelle, dans le cadre d'une négociation, qui vaut son pesant de cas d'école.
Voilà une journaliste, Nathalie Nougayrède, adoubée à 80% par ses pairs il y a environ un an. Elle est chargée de faire un boulot compliqué qui consiste à poursuivre et à renforcer la réorganisation du Monde pour lui permettre de tenir son rang et son budget dans l'économie numérique. En matière de médias c'est d'ailleurs un pléonasme : l'économie est numérique ou elle n'est pas. Passons.

A priori ça bouscule dans les rangs. Il y a de la tension, chacun va vite s'apercevoir que l'autre voit les choses autrement. C'est le premier stade de l'escalade émotionnelle. Pour éviter d'en arriver au deuxième stade il est utile en général de se souvenir qu'on est bien dans une négociation. Et dans une négociation on ressent des émotions. Donc si tension il y a c'est normal !
Au second stade de l'escalade émotionnelle, aux tensions s'ajoute l'incompréhension. On confond les faits et leurs interprétations. Un comble pour des journalistes.
Pour sortir de ce guêpier il est important que les protagonistes s'emploient à reformuler les arguments de chacun. Déjà cela veut dire au moins qu'on les a écoutés. ..
Au troisième stade de l'escalade émotionnelle la tension et l'incompréhension accumulées débouchent sur une guerre de positions. On observe une confusion entre les enjeux et les moyens. Chacun est bloqué.  Il est utile alors de se le dire et de se mettre d'accord sur les désaccords en présence. C'est déjà une avancée. Parfois cela permet de faire sortir des options jusque là négligées et donc de relancer la négociation.
Il est vraisemblable que Nathalie Nougayrède et ses rédacteurs ont négligé cette étape. Ils ont alors engagé toutes trompettes dehors le quatrième stade de l'escalade émotionnelle, là où s'exprime la volonté de nuire et où les protagonistes confondent allègrement le problème à résoudre et les personnes en présence, où l'on devient "dur avec les personnes" et "doux avec le problème" alors que seule l'attitude inverse permettrait de trouver une solution dans laquelle chacun trouverait ses ingrédients.

Les journaux n'ont pas été avares de commentaires sur ce stade du conflit. Il est alors urgent de s'arrêter afin que chacun reconsidère sa stratégie. Car il est a priori évident que le problème à résoudre reste entier et vaut la peine d'être traité par tous,  démissionnaires et "virés" compris pour peu que chacun soit engagé dans la recherche d'une solution.  Toutes autres considérations relèvent d'états émotionnels mal traités. En négo il est nécessaire de laisser ses egos au vestiaire si on veut pouvoir traiter le sujet à négocier même avec des gens que l'on apprécie peu.
Cela étant je me garderai bien de trop de critiques. Que ceux qui n'ont jamais eu envie de sulfater le "connard" de la partie adverse leur jettent la première pierre.
Nous sommes tous des "bêtes à réaction" et il n'est pas évident de "monter au balcon". Négocier s'apprend. Lisez "Comment réussir une négociation" de Roger Fisher et William Ury (éditions du Seuil) et suivez les travaux du Harvard Negotiation Project. Ils en valent la peine.
Bon courage aux parties prenantes. Il leur reste à éviter le compromis, cette solution perdant-perdant, et à faire preuve de créativité pour trouver la solution gagnante pour chacun.

Post-Scriptum à l'attention du chauffeur de taxi roumain qui m'a bien eu ce week end : "No pasaran" !

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