Pour en finir avec "les éléments de langage"

Hollande prépare sa séquence de rameur télévisuel et la presse s'en donne à coeur joie sur le thème : "il va falloir tordre le cou aux éléments de langage"....

Ah bon ? Les mêmes racontent qu'il travaille à cet entretien avec une méticulosité d'horloger en compagnie de son nouveau "dircom" ? Que s'imagine-t-on, qu'il va improviser, répondre en "direct live" comme s'il était avec ses meilleurs potes, lesquels n'existent d'ailleurs plus, puisqu'à chaque semaine son coup de Jarnac, son ex ayant été une maîtresse en la matière à l'heure de la dernière rentrée des classes.

J'espère bien qu'Hollande se prépare. Il a surtout péché par orgueil depuis qu'il a été élu, dans ce domaine comme dans le reste.

Mais mon propos n'est pas là. Il est dans ma croisade personnelle contre cette expression débilitante fabriquée par nos crânes d'oeufs : les éléments de langage.

Lorsque je travaille avec des dirigeants anglo-saxons et que ceux-ci bossent sur une annonce particulièrement délicate, on prépare ce que l'on appelle benoîtement des Q&A (Questions and Answers) voire des "rude Q&A". Ce qui est rafraîchissant avec les anglo-saxons c'est qu'ils appellent un chat un chat, qu'ils le font sans détour. L'exercice consiste à se mettre dans la tête de ceux qui vont recevoir le message et à se demander, avec le plus d'honnêteté intellectuelle possible (nobody's perfect), comment le faire accepter du moins comprendre par le récepteur du message. L'exercice n'est pas simple et révèle assez bien en général le degré de fayotage qui existe dans les grandes organisations lorsqu'il s'agit d'aider le big boss à dire ce qu'il a à dire (quand celui-ci le demande).

Le degré extrême du fayotage s'illustre dans notre doux pays par le choix de l'expression "Eléments de langage". La première fois que j'ai entendu cette expression ahurissante à mes oreilles, c'était dans la bouche d'une dircom qui appelait cérémonieusement son patron "Président", lequel était un ancien directeur de cabinet d'un ex-homme politique de premier plan. Il avait été à bonne école, il maniait la langue de bois avec un talent de bûcheron, cela a fini par se retourner sévèrement contre lui, mais c'est une autre histoire.

Cette fichue expression made in France fleure bon sa première année à l'ENA, son plan en 2 parties et son costume de bon faiseur. Les journalistes l'adorent : elle leur permet de faire passer les communicants pour des moins que rien, il n'y a pas de petits profits. Elle nous dit, non pas j'ai réfléchi aux questions que vous alliez me poser, même les plus casse-pieds et voilà ce que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui, mais au contraire, écoutez les petits loups, prenez ça c'est du ragoût, j'ai pas mis tous les morceaux et je ne vous dis pas de quel animal ça vient.

Cette expression renvoie aussi à l'idée que les génies qui dirigent n'auraient pas besoin de "tout préparer" mais de se mettre juste sous le nez quelques "éléments" autour desquels leurs cervelles multi-diplômées sauront mettre la bonne sauce. Eh bien je ne suis pas d'accord. L'un des premiers conseils que Chris Anderson, le créateur des conférences TED, où se succèdent des intervenants bien souvent extraordinairement "inspirants", est de dire, à tous ceux qui se préparent à intervenir, qu'ils doivent répéter, répéter et encore répéter ce qu'ils ont à dire, et pas juste "relire les bullett points avant d'arriver". Dans un exercice d'interview télévisée et nationale, les éléments de langage sont la porte ouverte aux anaphores... Franchement, ce serait mieux de ne pas recommencer.

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