Les clefs du pouvoir ne sont pas dans la boîte à gants

Il y a plusieurs années, l'inénarrable Frédéric Dard sortait un bouquin dans la série San-Antonio, dont le titre m'a toujours réjoui et qui m'est revenu à l'esprit alors que je réfléchissais à cette chronique mensuelle : "Les clefs du pouvoir sont dans la boîte à gants".
Livre que je vais du coup m'employer à relire une fois que j'en aurai fini avec ce post !
Tout cela pour dire que ce post n'a évidemment rien à voir avec ce bouquin, sauf que j'avais envie d'écrire quelques lignes sur les "clefs du pouvoir", à un moment où on nous bassine sur Jupiter, sa cuisse ou sa cuisine, dans des médias assez grincheux pour constater que le nouvel élu va éviter de continuer à bavasser avec les gazetiers, ce dont ils sont fort marris, parce que bon, coco, faut remplir les colonnes et les écrans et que si Hollande avait une qualité à leurs yeux c'était qu'il était "un bon client".
Bref, où sont les clefs du pouvoir ? Visons large, où sont les clefs de votre pouvoir, innombrables lecteurs émerveillés. Car nous avons tous du pouvoir, dans nos vies professionnelles en général et nos négociations en particulier et nous ne nous en rendons pas toujours bien compte.

Première clef : le levier numéro 1 de votre pouvoir est en vous !
Votre physique d'abord : vous êtes grand(e), costaud, vous avez une voix qui porte, cela vous donne du pouvoir. Regardez nos amis députés minoritaires : ceux que l'on pressent comme des meneurs ou des meneuses ont tous cette capacité à se faire entendre, au sens propre comme au sens figuré.
Votre mémoire aussi : selon les situations, il est utile de maîtriser l'historique d'une situation ou, à l'inverse, d'arriver vierge de tout historique et d'avoir au contraire en mémoire des tas d'autres situations qui vont nous aider à garder l'oeil neuf ! Entre autres raisons, c'est l'une des clefs de l'intervention réussie par Nicolas Jeanson racontée dans sa "chronique d'un sauvetage industriel".
En négociation, vos compétences au calcul mental ont quelques vertus ! Tout comme votre résistance au stress ou votre goût du risque !
D'une manière plus générale, votre charme personnel, très subjectif bien entendu, est un atout indéniable. Jadis, ma chef d'équipe avait ainsi un tel pouvoir sur un client casse-pieds, qu'il suffisait, lorsque j'étais seul avec le client en question, d'invoquer régulièrement son prénom dans l'échange pour voir le client se détendre !

Deuxième clef : votre pouvoir est chez les autres
Ou plus exactement dans votre alliance avec les autres. L'anecdote de ma chef d'équipe est révélatrice. Sans la qualité de mon alliance avec elle, je n'aurai pas pu jouer le charmeur de serpent avec autant de maîtrise et de décontraction. Je me souviens aussi de ce dirigeant qui, à la signature du contrat, me déclare, une fois les choses faites : "à partir de maintenant, on se tutoie, on se dit tout et tout ce que tu dis c'est comme si c'était moi qui l'avais dit". Voilà qui me donnait un sacré pouvoir, en même temps que quelques responsabilités, car évidemment, il pouvait y avoir quelques explications franches si nous n'étions pas en phase.
Bref autant d'exemples pour rappeler que votre boss est votre premier allié et pas votre premier ennemi comme la vulgate le laisse entendre.
D'une manière générale, quel que soit votre job ou votre niveau de responsabilité, travaillez vos alliances, réfléchissez au système de relations dans lequel vous vous inscrivez. Vous n'êtes pas obligés de devenir des Richard Ferrant pour autant.

Troisième clef : votre pouvoir est dans les choses que vous possédez
Vous possédez toujours quelque chose ! Ceux qui n'ont que du temps utilisent le temps. Pensez à nos amis guichetiers (moins nombreux qu'autrefois quand même, heureusement). Parfois il est utile que vous ayez une belle bagnole ou un beau costard. Evidemment, l'inverse est vrai : c'est parce qu'il a un vieil imper élimé et une 403 pourrie que l'inspecteur Columbo arrive à prendre le pouvoir sur ses riches suspects.
Beaucoup ne s'attachent qu'à cela : d'où les querelles d'ego constantes sur la taille du bureau, son emplacement, la marque du téléphone... les signes extérieurs de statut sont là pour affirmer son pouvoir. Et je ne parle pas des titres accordés. Ah ce goût pour les "VP" dans les organigrammes. Il est aujourd'hui de bon ton de les brocarder évidemment et souvent à juste titre. Mais bon, la situation mérite souvent d'être examinée de près.

Quatrième clef : votre pouvoir est dans les informations auxquelles vous avez accès
Ce n'est pas pour rien que les "petits chefs" font de la rétention d'information. Maintenant, si nous regardons ce précepte d'un oeil positif, cela nous renvoie à la nécessité de rester curieux, ouvert à ce que nous ignorons, à l'affût des opportunités. Je me souviens d'un client qui me disait que "les bruits de chiottes" (sic) que je lui ramenais étaient parmi les choses qui lui étaient le plus utiles pour approcher les bons clients ou les nouveaux marchés !

Cinquième clef : votre pouvoir est dans votre maîtrise des processus
Tous ceux qui répondent à des appels d'offre savent cela. Les appels d'offres sont faits pour maintenir dans l'ignorance ceux qui y répondent. Ce qui est tout de même étonnant quand il s'agit de choisir un ou des partenaires avec lesquels le lanceur d'appel d'offres va devoir travailler et tirer le meilleur parti de ce que son (ses) futur(s) prestataire(s) saura faire. Bon, je ne vais pas disserter sur les appels d'offres. Contrairement à ce que la vulgate et les médias associés croient, je ne les vois en aucune manière comme des indices de bon fonctionnement de quelque organisation que ce soit et encore moins comme des protections contre d'éventuels copinages voire de possibles corruptions. C'est juste une victoire de la bureaucratie.

Voilà, il vous reste désormais à ne pas perdre vos clefs... sauf à ce que plus aucune porte ne puisse s'ouvrir devant vous !

Bon été !





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