Le salariat, la négociation et le Loing

Dans sa Charte d'Amiens, son texte fondateur de 1906, la CGT déclarait vouloir "la disparition du salariat et du patronat".

Si on lit ce texte, sur le site de la CGT, il est intéressant de relever les professions des signataires : cocher de fiacre, coiffeur, serrurier, mineur, palissonneur en peaux, bûcheron, typographe,... Une foule de métiers qui ont disparu, et surtout, toute une série de métiers d'artisans, petites unités menacées par les grands conglomérats industriels qui se développaient.

Vous êtes salarié ?

Aujourd'hui, le moins que l'on puisse dire c'est que le salariat est menacé de disparition. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais aujourd'hui, sous l'effet d'une multitude de causes dont la révolution numérique n'est pas la moindre, la quantité de personnes hors système salarial est en train de devenir plus importante que le nombre de salariés, nos 6 millions de chômeurs toutes catégories confondues faisant partie du lot.

Ce que m'inspire ces constats, c'est de voir à quel point ce syndicat, la CGT, s'est figé dans le passé au nom de la défense d'un statut qu'il annonçait vouloir faire disparaître !

Loi "travail" ou loi "négo" ?

Lorsque j'anime des formations à la négociation, je rencontre parfois des délégués syndicaux. Aucun ne vient de la CGT. Les représentants syndicaux que je croise ont du mal à percevoir la négociation autrement que comme un rapport de forces ou un exercice de manipulation comparable à une partie de poker. Ils ne sont hélas pas les seuls. L'actualité récente montre à quel point cette vision purement combative imprègne nos mentalités et ce blog m'a déjà largement donné l'occasion de le dire.

Les avantages de la négociation sont pourtant de deux ordres : elle reste en premier lieu la méthode la plus satisfaisante pour résoudre les problèmes ou les différends qui surgissent dans une collectivité. En second lieu, elle crée de la valeur, en ce sens qu'elle permet d'obtenir à plusieurs davantage que ce que chacun obtiendrait en restant dans son coin. Ce qui revient à s'interroger sur ce que chacun peut faire pour préserver ses intérêts si la négociation échoue.

De ce point de vue, en posant la primauté de la négociation dans l'entreprise sur le sujet du temps de travail, la loi dite El Khomri fait oeuvre utile, même si je considère qu'elle reste bien trop timide. L'application tous azimuts des 35h a créé des difficultés et des surcoûts considérables dans un trop grand nombre de secteurs, y compris dans le secteur public (hôpitaux notamment). Nous finissons par nous en rendre compte. Les blocages multiples n'y changent rien. Ils ne font que retarder la résolution des difficultés.

Les grévistes en colère mettent en avant le déséquilibre entre le pouvoir des dirigeants et le pouvoir des salariés et soulignent qu'aucune confiance n'est de ce fait possible. Mais la confiance ne peut pas être un préalable à la négociation même si elle la favorise. Seule la conduite de négociations pour résoudre les différends peut contribuer à relever le niveau de confiance que peuvent s'accorder les parties en présence. En d'autres termes, c'est en forgeant qu'on devient forgeron ou que l'appétit vient en mangeant !

Je veux aussi dire que la recherche de compromis est bien souvent peu avantageuse. S'accorder sur un compromis revient souvent, pour les parties en présence, à accepter de "lâcher" tel ou tel aspect. Bref, chacun accepte de perdre un peu. La croyance dans le résultat par compromis conduit en général à des surenchères, à des bluffs, à des postures sans lendemain qui trompent les parties en présence sur les véritables motivations des uns et des autres, voire à se tromper soi-même.

Le Loing si bien nommé ?

Nous avons de grands défis à relever : la révolution numérique est un choc majeur. Elle provoque ou nécessite des changements ou des adaptations dans tous les pays, tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions. Et nous sommes de plus en plus interdépendants les uns des autres.

Alors, travaillons pour imaginer de nouvelles solutions pour vivre dans ce nouveau monde.

Nous ne sommes pas obligés d'être de bonne humeur pour nous lancer, même si ça aiderait un peu ! En tout cas, en avoir peur et vouloir bâtir des digues ne sert pas à grand'chose.

 Je trouve d'ailleurs intéressant de ce point de vue qu'après le flux de migrants, nous soyons confrontés à des inondations sans précédent alors que ces blocages font la "une".

Le Loing vient de nous enseigner quelque chose : il est proche !


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