Vas y Jean-Marc !



J'ai passé un très gros moment de mon week end dernier à parcourir les vidéos des interventions de Jean-Marc Jancovici (photo).
Si vous n'avez pas encore croisé le personnage, c'est le moment. Vous ne serez pas déçu du voyage. D'abord parce que les formats d'intervention dudit Jean-Marc sont très variés : devant les députés, au micro des radios, sur les plateaux TV, devant les étudiants d'Agro Paris Tech, de Sciences Po, sur les chaînes Internet, etc... Ensuite parce que le personnage a la langue bien pendue et qu'un certain nombre de ses interlocuteurs se font étriller joyeusement, un peu comme à Guignol. Jean-Marc Jancovici se promène avec un gros bâton et pan pan sur la tête des conformistes de tout poil. Gardez vous de trop vous marrer, à mon avis, vous êtes (je suis, nous sommes) le(s) prochain(s) sur la liste.

Jean-Marc Jancovici, qui dirige le cabinet Carbone 4, est le moine-soldat de la décroissance, ses démonstrations sont implacables et, va comprendre Charles, j'adore. Yves Cochet me fait sourire, Greta Thunberg me sort par les trous de nez, tous les collapsologues en colloque sont de sinistres sires à mes yeux, le moindre écolo à queue verte me fait braire, Nicolas Hulot m'énerve et Yannick Jadot me fait bailler, mais Jean-Marc Jancovici, j'adore et j'adhère. 

En matière d'écologie et moi, si je puis dire, il est la preuve vivante de la justesse du premier pilier du modèle Process Communication : "La manière de dire les choses a autant et parfois plus d'importance que ce qui est dit".

Pourtant il n'est pas sans défauts que je remarque, quand même. Si vous lisez "Déjouer les pièges de la mauvaise foi et de la manipulation avec le triangle de Karpman", de Pierre Agnèse et Jérôme Lefeuvre, vous verrez que le camarade Jancovici joue parfois un peu trop souvent le rôle du casse-pied Ingénior, ce Gremlin qui "donne l'information, rien que l'information et surtout TOUTE l'information" dont les auteurs repèrent le pouvoir irritant. Jean-Marc Jancovici alias l'Ingénior vous balance à la figure des règles de trois comme s'il en pleuvait, et visiblement, s'il pleut encore quelque chose à l'ère du réchauffement, c'est bien la règle de trois.

Ce petit défaut mis à part, je lui pardonne volontiers car le père Jean-Marc fait preuve d'un humour ravageur, dans le genre "à froid" si cette expression a du sens pour parler réchauffement climatique. Bref le père Jean-Marc nous dit que, je cite, "ça va ch... des bulles carrées" et il allume un certain nombre de poncifs écolos de base, à commencer par les anti-nucléaires. Ce qui lui vaut d'être accusé d'être vendu à EDF, mais bon c'est facile de démontrer le contraire et visiblement ça ne lui fait ni chaud ni froid (que d'expressions adaptées ! 😁😁)

Le message de Jean-Marc Jancovici consiste à nous dire : le réchauffement climatique, c'est irréversible, les 20 prochaines années c'est plié, il n'y a pas de touche "reset" et même si nous nous y mettons tout de suite, c'est pour nos enfants que nous bosserons. Cela fait de lui, par exemple, le pire ennemi de ceux qui croient aux vols low cost, aux virées d'un week end pour une fiesta à Barcelone, etc... Il ne faut pas interdire de prendre l'avion, il faut juste mettre le billet à 10 000 balles...
Il faut aussi que le smicard français comprenne qu'en fait il vit comme un nabab, que l'iphone 10 à 2000€, c'est pas pour lui et que son gentil Lidl n'aura bientôt plus beaucoup de chips croustillantes à lui vendre. Evidemment c'est compliqué à faire comprendre aux gilets jaunes qui veulent du pouvoir d'achat ou à ces grands benêts d'étudiants qui réclament des études gratis, des logements gratis et même un salaire en plus. C'est aussi difficile à faire comprendre aux cadres et aux dirigeants d'entreprise dont le mode de vie va être sérieusement challengé. Comme il l'explique à un étudiant qui lui ramène le bonheur des chasseurs-cueilleurs de jadis, "c'est plus difficile de se passer de quelque chose que l'on a connu, que de se passer de quelque chose dont on ne soupçonne pas l'existence".

Bref Jean-Marc Jancovici vous passe la râpe à fromage sur le dos et donne quelques frissons. Si vous visionnez la vidéo de son audition à l'Assemblée Nationale il y a quelques années, vous comprendrez aussi que changer la donne n'est pas simpliste, chaque député intervenant (17 !) étant plus intéressé à ramener sa fraise qu'à poser une question ou discuter de manière ouverte.

Voilà, je ne veux pas faire de ce personnage le seul visionnaire du futur. Mais ce que j'aime c'est qu'il n'accuse personne, qu'il n'éructe aucune menace, qu'il nous incite à échanger, à agir concrètement, à redécouvrir la Corrèze plutôt que le Zambèze, à cesser de courir derrière les Black Fridays sans pour autant condamner telle ou telle entreprise, etc... Finalement Jean-Marc Jancovici, sous ses dehors de grand frère rigolard et fouettard à la fois transmet bien davantage de bienveillance, de chaleur humaine et d'envie de s'y mettre que tous les autres cités plus haut. 

Alors, vas-y Jean-Marc, continue !

Commentaires

  1. Je l'avais interviewé pour les API DAYS lors de son intervention en keynote de cloture de l'évènement fin 2018. Effectivement c'est un personnage et quand on sort d'une de ses interventions "douche froide" on a envie de faire quelque chose, mais on est aussi un peu désemparé par le côté dérisoire des actions qui sont présentées comme "green" mais ne servent finalement à rien. Faute de mieux j'avais alors créé un espace sur le réseau Quora pour partager les initiatives de "green it" (une expression que désavouerait Jancovici pour qui le green it est une illusion) mais au moins j'avais fait quelque chose... https://fr.quora.com/q/greenittechnosvertes

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  2. Effectivement le personnage est une sorte de "moine-soldat" de la décroissance, sorte de schtroumpf râleur de l'écologie. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il ne fait aucun cadeau aux écolos sur le nucléaire, qu'il dénonce comme une posture ignorante des réalités. C'est sûr aussi, pour lui l'IT c'est pas "green", il est anti 5G par exemple, et n'aime pas vraiment Jeremy Rifkin par exemple puisque pour lui, la base c'est la conso d'énergie et que les technos n'existent pas sans énergie. Dans son registre crispant, je le trouve "barjavélien", je ne sais pas si tu as lu ce bouquin démodé d'anticipation qui s'appelle "Ravage", dont la fin désespérante à mes yeux pourrait être signée JM Jancovici.

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