M6 et les Dr Doxey du coaching



L'émission "Capital" a récemment consacré une émission aux arnaqueurs de tout poil qui fleurissent sur l'envie des braves gens que nous sommes à vouloir être heureux et riches.

Parmi les professionnels visés : les coachs.

Comme je consacre une part non négligeable de ma modeste activité au coaching professionnel, j'ai entendu parler de l'émission et je me suis forcé à la regarder, grâces en soient rendues aux systèmes de "replay".

Ouïe ouïe ouïe.

J'avais déjà vu il y a quelques années une émission du même magazine sur le sujet et c'était déjà gratiné.

En l'occurrence, j'ai trouvé ce nouveau chef d'oeuvre de Capital plutôt moins calamiteux. Finalement ils font un tir groupé sur les gourous du développement personnel et le reportage s'achève bien entendu sur une interview du président de la Miviludes, l'organisme en charge de la surveillance des dérives sectaires. Bon, venir perturber le business des gourous n'est pas un sujet qui me dérange, au contraire.

Je ferai cependant remarquer aux équipes de Capital qu'ils utilisent pour traiter leur sujet exactement les mêmes méthodes contestables de l'emphase et de l'amalgame que celles qu'ils dénoncent chez ceux qu'ils ciblent.

Emphase : Le sujet est annoncé par Capital à grands coups de roulement de tambour. Il est mixé de surcroît avec un reportage sur les arnaques sur les diamants et, pour faire bonne mesure, un reportage sur les voyant.es. Allons y gaiement mon camarade ! Musiques accrocheuses, montages punchy, on y va en effet. Exactement comme les gourous qu'ils vont allumer. C'est simple : les gourous copient Capital et les méthodes dites sensationnalistes. Ces gens là sont du même monde.

J'avais rencontré l'an dernier un journaliste tv que je connais depuis longtemps et dont le sérieux est incontestable, pour parler avec lui d'un éventuel sujet sur les coachs. Nous en avions mutuellement conclu que le sujet était "impossible". Car, dans une logique d'audience télé qu'il n'est pas question de laisser de côté, le métier de coach n'est pas abordable. Le travail des coachs professionnels repose sur la confidentialité. Une séance de travail entre un coach et son client ne se filme pas. Basique mais éliminatoire. Pas d'images, pas de sujet.

Les gourous, eux, produisent des images à profusion. Une véritable indigestion ! Capital peut se goberger. Un joli boulot mon coco !

Amalgames : Le titre de l'émission ne ciblait pas les coachs et ne prétendait pas faire un sujet sur le métier. C'était une sage précaution. Le problème est qu'elle ne tient pas longtemps.
Car les gugusses montrés du doigt se parent de cette qualité de coach. Capital ne remet pas cet abus de langage en question. D'où un amalgame consternant.
Capital mentionne alors 6000 coachs en France, dont 2000 "certifiés" (par qui ? Capital ne le dit pas). Sachez que Capital se trompe. Les estimations les plus sérieuses parlent plutôt de 20 000 coachs, selon les statistiques produites par les écoles de coachs, dont les formations sont toutes en train de passer à la moulinette du Registre National des Certifications Professionnelles (RNCP) histoire précisément de pourchasser les coachs auto-proclamés et les formations fantaisistes. Car le métier se professionnalise très sérieusement.

20 000 coachs en France : autant que de plombiers ! Ma vie professionnelle, grâce à la fréquentation d'un client présent dans les matériels de chauffage m'avait permis de savoir qu'il y avait grosso modo 20 000 entreprises de plomberie en France. J'en sais des choses ! Un autre jour Capital fera sûrement un reportage sur les arnaques à la plomberie. Faut-il pour autant cesser de chercher un plombier ?

20 000 coachs formés dans des écoles aux formations certifiées, dont la moitié pratiquent effectivement, toujours selon les statistiques des associations professionnelles.

Le reportage tacle 4 personnes : un ex-présentateur de JT de province reconverti au Canada en show-man du coaching (un renégat quoi) et d'ailleurs certifié par l'International Coaching Federation (ICF), une auteure de best seller à deux balles bien emballé par un éditeur qui sait ce que marketing veut dire (Raphaëlle Giordano) et un jeune malin qui arrive à faire cracher à des braves gens des sommes que même un DRH ne sort pas pour financer l'accompagnement d'un directeur général ! Ce qui lui vaut d'ailleurs plusieurs signalements à la Milivudes.

Je me demande pourquoi l'équipe de Capital n'est pas allée questionner l'ICF sur la certification accordée au show-man. Auraient-ils refusé de répondre ? Ce n'est pas dit. En général les journalistes ne se gênent pourtant pas pour pointer le refus des institutions de répondre à leurs questions.

Ricanements : Pour parachever son ouvrage Capital ricane sur la place prise par le rayon "Développement personnel" dans nos librairies. Le sujet, à mon avis, serait de se poser davantage la question du succès de ce type de bouquins. Mais cela n'intéresse pas Capital. Trop long et trop compliqué pour un sujet en prime-time le dimanche soir. C'est pourtant une émission qui se veut positionnée sur le créneau redoutable de l'économie.

Si le développement personnel attire autant l'intérêt c'est bien en raison de la demande d'aide qu'expriment nos contemporains. Nous vivons un temps de fortes ruptures, économiques justement. C'est souvent difficile et compliqué d'y voir clair. Cela demande parfois de savoir changer le regard que nous pouvons porter sur la façon dont nous menons notre vie, notamment professionnelle.

Les discussions sur la reconnaissance ou non du burn out comme une maladie professionnelle découlent de cette situation. La dénonciation à tort et à travers des "pervers narcissiques", le pointage des enfants dits "AD" (qui souffriraient d'une altération de leurs capacités d'attention), la référence souvent confuse aux neurosciences, sont autant de signaux d'alarme. Que nos contemporains décident de se prendre en main en furetant dans les rayons "Développement personnel" de nos librairies n'est guère surprenant. Faut-il le déplorer et s'en inquiéter ? A quand une émission de Capital sur les "ouvrages à lire" : un truc positif, quoi, qui aide les gens au lieu de leur fiche la trouille et de leur faire cultiver cette sorte de cynisme médiocre qui, précisément, contribue au succès des Dr Doxey de l'époque.



Pour conclure ce "blog chronique", changer de sujet et rester sur M6 quand même, j'ai aussi regardé cette semaine, toujours en replay, le reportage d'Enquête Exclusive en Corée du Nord. Il se termine en expliquant que "Rocket Man" a un ambitieux plan pour faire venir en Corée du Nord plusieurs millions de touristes... mais allons y, envoyons lui des touristes, plus il y en aura, plus il y aura des bugs dans le contrôle... Je suis certain que la Corée du Nord peut s'effondrer comme un château de cartes si on part à la base. Naturellement cet abruti majuscule de Donald ne s'occupe que de la tête (façon de parler). Les dictateurs aiment les murs. Offrons leur des chamallows !

Bonnes soirées télé à mes lecteurs !



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