La guerre, un moment de la négociation
War is just a shot away
Je ré-écoutais récemment l'une des chansons phare des Rolling Stones, Gimme Shelter, écrite à la fin des 60s et qui évoque la violence de l'époque, marquée en l'occurrence par la guerre du Vietnam. La chanson répète "War, children, yeah, it's just a shot away" (la guerre, les enfants, ce n'est qu'à une portée de tir).
A écouter ici
Cette entrée en matière pour dire que, lorsque j'écoute les éructations du Donald, je trouve que la chanson des Stones résonne de façon très actuelle.
Car s'il arrive à ses fins avec la complicité d'Elon Musk et pour la plus grande satisfaction de l'ours Vladimir, il va falloir sérieusement revoir nos plans de vie. Et Emmanuel Macron n'aura jamais eu autant raison de parler de "mort cérébrale" de l'OTAN.
Avez-vous vu l'interview insensée de Vladimir par cet idiot de Tucker Carlson ? J'ai eu l'impression plusieurs fois de voir Vladimir se lécher les babines devant son onctueux et complaisant intervieweur.
En même temps, comme le chantent d'ailleurs les Stones dans leur dernier couplet : "I tell you love, sister, it's just a kiss away" (l'amour, je te le dis, n'est qu'à un baiser de distance). Faut bien terminer sur une note positive.
Je vais faire de même et c'est d'ailleurs l'idée du titre de ce post. La guerre n'est qu'un moment de la négociation. Celui qui déclenche une guerre se dit qu'il n'est pas capable de se sortir de la situation dans laquelle il s'est mis ou se projette sans faire appel à la violence. Les gens violents manquent souvent de vocabulaire, c'est souvent la raison pour laquelle ils cognent. Clausewitz disait de son côté que la guerre entre Etats était la continuation de la politique par d'autres moyens. On est dans la même idée.
La négociation est construite sur un dialogue et sur des intérêts.
L'absence de valorisation du dialogue est sidérante dans l'actualité, y compris en France bien sûr.
Quand les agriculteurs finissent par rentrer chez eux, beaucoup semblent trouver cela bizarre. Quand celui qui avait monté le premier barrage décide de cesser son action car il a eu le dialogue qu'il recherchait avec Gabriel Attal venu parler au milieu des bottes de paille, ils sont quelques uns à vouloir dire qu'il est "vendu", qu'il est lâche, au mieux très naïf. Quand la FNSEA appelle les agriculteurs au calme et Darmanin appelle la police à la retenue, nombreux sont ceux qui se moquent ou n'y croient pas. Or, dans cette affaire, ce qui m'a frappé, c'est que, malgré quelques débordements dont j'ai constaté moi-même la matérialité du côté de Limoges, les parties prenantes ont évité les mots qui blessent ou qui dénigrent.
C'est ce qui est d'ailleurs absolument consternant dans les réactions des "verts" : furieux à juste titre de voir remises en cause les quelques avancées sur l'utilisation des pesticides, ils sont repartis, comme d'habitude, dans le jugement à l'emporte-pièce à l'égard des agriculteurs. Mais comment veulent-ils y arriver s'ils passent leur temps à condamner ?
Pour revenir au gros Donald, il prêche des convaincus donc il ne s'embarrasse pas de nuances. Pour lui, une campagne électorale est un match de catch. En tout cas il est explicite. Il dit haut et fort ce qu'il fera et il fera tout pour dire haut et fort qu'il l'a fait, que cela soit vrai ou non ayant peu d'importance.
Face au risque que cela représente, organisons nous, même si je crois Donald moins docteur Folamour que les grands airs qu'il se donne. Il est en campagne, il fait juste un show, l'échange avec le "gros pays" dont il parle est très vraisemblablement sinon imaginaire en tout cas largement "reconstitué".
L'anecdote n'est là que pour illustrer l'attitude qu'il aime afficher et qui enchante l'audience, laquelle ne connaît strictement rien à l'Europe et encore moins aux pays qui la composent. Il dit juste "je sais gagner du pognon" à des gens qui n'en gagnent pas forcément beaucoup et pour lesquels, au moins, c'est concret.
Toujours mon vieux fond d'optimisme et de naïveté peut-être. Qu'aurais-je pensé en 1933 ?
Alfred Grosser, récemment disparu, est le prof à Sciences-Po qui m'avait fait réaliser qu'en 1933, la culture démocratique des USA avait conduit à l'arrivée de Roosevelt alors que, dans un contexte analogue de crise économique, la culture démocratique moins solide en Allemagne avait débouché sur le nazisme.
Toute la question aujourd'hui est de savoir si Trump, Musk et les "haters" des réseaux sociaux ont détérioré en profondeur cette culture démocratique, c'est à dire l'acceptation du dialogue entre des mouvements d'opinion différents et divergents. Nous serons fixés à la fin de l'année...
Faire réfléchir l'autre
En tout cas, pour faire cesser une guerre et aider l'autre à revenir au dialogue, le principe est de trouver quelque chose qui fasse réfléchir l'autre.
Dans l'approche de la négociation d'Harvard, nous appelons cela la BATNA : Best Alternative to a Negotiated Agreement, ou MESORE en français (MEilleure SOlution de REchange à un accord négocié).
Il y a 3 sortes de BATNA / MESORE :
- la porte de sortie : dans la vie courante, ce sera un autre client, un autre fournisseur, un autre patron, etc... Et c 'est celle qu'il est interdit aux gazaouis comme aux Palestiniens en général de trouver
- la tierce partie, l'allié
- le "coup de poing" : la grève, la prise d'otages et la guerre...
D'où plusieurs idées dans le contexte des conflits actuels :
- quelques "coups de poing" en retour : des sanctions économiques même si cela reste insuffisant vis à vis de la Russie ; le chantage au nucléaire...
- le recours à des alliés : les USA et l'Union Européenne pour l'Ukraine, l'Iran, la Corée du Nord, la Chine entre autres pour Moscou. Je range aussi dans cette catégorie la recherche d'une condamnation d'Israël pour génocide par la Cour Internationale de Justice, une action qu'Israël n'a pas négligée évidemment.
Pour réfléchir au problème que l'autre nous pose, il est enfin utile de savoir se mettre à sa place : quel communiqué de victoire aimerait-il / aurait-il besoin, de publier ? Comment prenons-nous cela en compte ? Comment vérifions-nous que nous avons compris son problème ?
Il nous faut enfin nous rappeler Sun Tzu. Pour sortir du conflit, quel "pont d'or" pouvons-nous construire pour aider notre adversaire / ennemi à reculer sans perdre la face ?
Voilà une bonne question. Et c'est quand même autour d'elle que doit tourner la résolution du conflit.
Pour y réfléchir je vous conseille de regarder cette vidéo dans laquelle William Ury, anthropologue, négociateur des accords de Camp David, professeur à Harvard, raconte cette anecdote qui concerne Steven Spielberg. Pour l'écouter, il s'agit du point 6 de l'intervention, et vous le trouverez au bout d'1h00 sur 1h30 de conférence. Celle-ci vaut la peine en entier cependant ! Vous pouvez aussi voir "The Fabelmans", du même Steven Spielberg !
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