Films de profs
Je connaissais les polars, les westerns, les péplums hollywoodiens du siècle dernier, les comédies, les thrillers, les films de SF ou d'Heroïc Fantasy, et j'en passe, je découvre qu'il existe une autre catégorie des films "de genre", comme on dit : les films de profs.
Dans le meilleur du genre nous avons le professeur magnifique, mentor remarquable, hussard noir de la République dans l'esprit.
Exemples : Etre et Avoir, lequel est aussi un documentaire ou encore Les Héritiers, avec Ariane Ascaride confrontée à une classe qu'il est possible de qualifier de compliquée et qui retrace l'histoire magnifique de cette classe qui change complètement d'optique en participant au Concours National de la résistance et de la déportation.
L'histoire des Héritiers est authentique. Le film date de 2014, l'histoire réelle de 2009 et je l'ai vu en espérant que des histoires comme celles-là puissent encore arriver. Ce qui n'est pas gagné.
Il existe une autre variété du genre, où nous avons le prof plongé dans le triangle toxique persécuteur-sauveur-victime. Il est illustré par deux "films de profs" actuellement à l'affiche. Le premier est allemand, au moins l'ai-je vu. Il s'agit de "La Salle des Profs". L'autre s'intitule "Pas de vagues", c'est un film français avec François Civil. Je ne l'ai pas vu et je pense que je n'irai pas.
Les films intellos pour cadres moyens... :-)
Quand j'étais étudiant, j'avais un copain qui se moquait de ce qu'il appelait : "les films intellos pour cadres moyens"...J'avoue que l'expression me fait encore beaucoup rire et même encore plus aujourd'hui étant donné son caractère politiquement très incorrect.
Je ne lis pas la presse allemande donc je ne sais pas quel type de débat a généré La Salle des Profs, mais je suis tombé sur cette vidéo de Télérama à propos de Pas de Vagues et je dois reconnaître que, en plus de certains aspects perceptibles dans la bande-annonce, le débat entre les deux journalistes a achevé de m'éloigner du film.
Car, qu'est ce qu'un film intello pour cadres moyens ? C'est un film qui accumule les poncifs, y compris dans les commentaires qui sont faits sur eux par des journalistes.
Donc là, il y a la plainte du corps enseignant vis à vis de sa hiérarchie forcément lâche (d'où le titre évidemment), l'homosexualité planquée du personnage principal, les commentaires #metoo dont se fait écho la journaliste de Télérama, etc... Il y a un moment où je trouve le plat un peu trop chargé en sauce. Certainement dommage puisqu'il est dit par ailleurs que le réalisateur, lui-même enseignant, raconte sa vie.
Le film allemand est de son côté d'une austérité et d'une rigueur que j'oserai qualifier de "toute germanique" quitte à manier le cliché à mon tour.
Il décrit un engrenage infernal où s'entrechoquent les bons sentiments et les mauvaises idées, le tout étant remarquablement illustré / symbolisé par une démonstration mathématique réalisée par les élèves de la prof de maths héroïne du film au démarrage de l'histoire.
Il se termine sur une image que je trouve personnellement redoutable, mais vous me direz l'effet qu'elle vous a fait.
Dans La Salle des Profs, les sujets abordés sont ceux du racisme, de la délation (en Allemagne !), du mensonge qui ne recule devant rien façon Trump, du droit à l'image, des médias et de leurs "angles" pour accrocher leurs lecteurs et vendre au détriment d'analyses plus complètes mais que personne n'aurait envie de lire, etc...La mise en scène est tirée au cordeau, pas de musiques envahissantes, il s'en dégage une austérité qui, à mon avis, fait la qualité du film.
Quand le système n'arrive même plus à sortir la tête de l'eau : comment redonner envie de faire le choix de l'école
Je ne sais pas si ces "films de profs" feront beaucoup pour attirer les candidatures à l'Education Nationale. Je pense même le contraire et c'est dommage.
Je me souviens, il y a plusieurs années, avec la responsable du planning stratégique d'une agence de pub, nous avions montré, en comparant les campagnes de pub des grands réseaux bancaires, que la réputation d'escrocs du quotidien que ces réseaux se coltinent était notamment entretenue par ces réseaux eux-mêmes ! A clamer dans toutes leurs campagnes qu'ils étaient honnêtes et vertueux contrairement "aux autres", ils contribuaient remarquablement à entretenir le cliché du banquier à la fois stupide, malhonnête et malveillant.
C'est le même problème avec les films de profs façon "Pas de Vagues" ou encore "La Salle des Profs". Le système n'arrive plus à se sortir la tête de l'eau. Il est complètement noyé dans son malaise. C'est le syndrome de l'épuisement appliqué à un système.
Sur ce sujet, j'ai récemment découvert l'existence d'une organisation très remarquable, Le Choix de l'Ecole, créée par l'ex-directrice de Sciences Po et compagne de Richard Descoings.
Le process qu'elle propose est très intéressant et vise à attirer dans l'enseignement et en particulier dans les établissements "prioritaires" (REP et REP+) des diplômés de grandes écoles en quête de sens, à tout moment de leur parcours professionnel et ainsi chercher à revaloriser le statut des enseignants dans la population.
Si vous allez sur la page Wikipédia consacrée à cette association, vous verrez qu'elle recense avec soin et un sens aigu de l'amalgame toutes les polémiques possibles et imaginables que cette association a enduré.
Les syndicats enseignants et leurs copains de Mediapart ne sont pas les derniers à taper dessus, au nom de l'épouvantable libéralisme, cette idéologie concentrationnaire bien connue, que véhiculerait cette association qui ose recruter en dehors des clous et trouver des financements notamment auprès des entreprises. En plus l'association est reliée à un réseau américain 'Teach for all". Bref on frise le satanisme.
Les chiens aboient fort et ne manquent pas de relais mais la caravane du Choix de l'Ecole passe quand même. Franchement, il faut le souhaiter. S'ils sont capables de remettre de l'énergie positive dans le système, cela permettra aux épuisés du système en question de le quitter pour aller en découvrir d'autres. Encore faudrait-il qu'ils y arrivent.
Il est plus que nécessaire que les films de profs présentent davantage de scénarios comme celui de "Les Héritiers" que comme celui de "Pas de Vagues".
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