Etre ou ne pas être bien au (télé)travail : quatre points cardinaux



Je croise de nombreuses organisations qui sont en train de remettre sur le métier leurs accords de télétravail signés à la sortie de la période Covid. Le phénomène n'est pas hexagonal.

Nous avons pris grand goût au télétravail, et cela semble bien naturel. Le télétravail a un parfum d'autonomie et toutes les études réalisées convergent pour montrer que l'autonomie au travail favorise la santé mentale. Je vous renvoie notamment à cette étude de la DARES dédiée à l'impact de l'intensification et de l'autonomie au travail sur la santé mentale.

La même étude analyse l'impact de "l'intensification" et en soulève naturellement l'impact négatif sur la santé mentale.

Le problème est qu'il arrive hélas que certaines pratiques de télétravail génèrent un sentiment d'intensification. Le remède n'en est pas toujours un.

Bref le télétravail recèle autant de pétales de roses que d'épines. Je vous renvoie à ce gentil post publié à l'été 2020. J'y pèche par excès d'optimisme et je ne regrette rien.

Pour cause de disette budgétaire et de décrochage économique, la remise en cause des 35h revient également à l'agenda. Il est temps. J'observe hélas que la multiplication des vacances liée à la réduction du temps de travail n'a pas non plus spécialement profité à la santé mentale des salariés. Je croise souvent des gens qui travaillent trop dans des organisations qui ne travaillent pas assez. Je vous laisse méditer le paradoxe. 

Les commentateurs parlent d'inefficience de la dépense publique. Je vois souvent beaucoup d'inefficience dans le travail. La faute à tellement de paramètres que j'ai beaucoup de mal à les démêler. 

Je vois cependant quatre points à prendre en compte si les entreprises et leurs salariés, publiques ou privées, veulent éviter la contagion des mal-être. Ce seront, si vous voulez, les quatre points cardinaux du bien-être au travail.

Donner à apprendre

Le premier axe de cette boussole sera de veiller à rester des organisations où l'on apprend quelque chose. 

Je ne plaide pas seulement pour la formation en tant que telle, mais pour la capacité de l'entreprise à organiser des "retours d'expérience" sur ce qu'elle vit et réalise. 

C'est une compétence managériale souvent insuffisante. Combien de fois ai-je vu des équipes se pencher gravement et exclusivement sur ce qui a loupé en oubliant complètement de décortiquer et partager ce qui la fait réussir ! 

Quant à la formation, je ne vous parle pas de ces sessions de formation que certains managers voudraient réduire au minimum. Face à certaines de ces demandes, il m'arrive alors de citer Woody Allen, qui disait : "j'ai suivi un stage de lecture rapide. J'ai lu Guerre et Paix en 1/4 d'heure, ça parle de la Russie"...A vouloir aller trop vite personne ne retient rien. Qui trop embrasse mal étreint n'est-ce pas.

Veiller aux relations

Second axe de cette boussole : la qualité de la relation dans le système. 

C'est là que le télétravail a pu notamment, parfois, créer des difficultés nouvelles.

Il ne s'agit pas seulement de s'assurer de la qualité des relations entre les membres d'une équipe, mais aussi de la qualité des relations des équipes entre elles. Parmi les exemples que je vois souvent : les difficultés entre les commerciaux et "la prod", entre "l'avant-vente" et la vente, entre la Qualité ou les juristes et les responsables grands comptes, entre les "fonctions support" et les autres, etc..., etc.. 

Enfin il ne faudra pas oublier de se demander comment chacun se sent intégré dans le système, en relation avec l'ensemble.

Entretenir l'énergie

Dans Process Communication Model, j'ai une grosse composante "Energiseur" (ceux qui ont fait de la Process Com' il y a longtemps parlaient de "Rebelle") et j'avais eu jadis envie de donner à mon activité de conseil le nom de E3Conseils, avec un grand E comme Energie. Bref je suis sensible au sujet. 

Je reste d'ailleurs un assez bon baromètre sur ce point et je dois même faire un poil attention à mes propres réactions. J'y travaille :-)

Mais bon, une organisation qui entretient l'énergie sera attentive à l'engagement de ses équipes. Ce qui signifie qu'il est utile de faire le tri dans les tâches parfois absconses dont elles peuvent abreuver leurs salariés. En mai 68, un slogan disait "on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance". A l'échelle de l'entreprise, j'ajouterai "pouvez-vous tomber amoureux d'un tableau Excel ?". Au-delà de ce logiciel, c'est le reporting tous azimuts, qui ressemble fort au sur-contrôle qui saoule assez vite tout le monde.

Cette question de l'énergie mérite aussi d'être regardée dans la manière dont l'utilisent ceux qui en ont beaucoup. Si l'énergie d'untel est surtout placée pour déranger bidule, c'est un problème. Les luttes de pouvoir sont du gaspillage d'énergie. Faites attention aux conflits de frontières !

En direction de la communication, pour prendre un autre genre d'exemple que je connais bien, toute l'énergie est souvent utilisée pour rassembler, par exemple un Codir, dans la mise au point d'un récit. Et souvent il ne reste plus d'énergie quand il s'agit d'aller porter ce récit à l'extérieur. Un comble. Le nombre de dirigeants ou de managers qui, parce qu'ils ont parlé, pensent qu'ils ont agi, est hélas fréquent.

Partager et identifier le sens

Il est devenu évident de questionner le sens dans l'organisation. Donner et identifier le sens c'est bien sûr donner et identifier une vision que chacun pourra retrouver dans l'activité, qu'il soit à l'intérieur ou à l'extérieur du système. 

C'est aussi identifier les croyances et les valeurs que le système a intégré ou proclame. Cela se voit dans les formations, les écoles ou les universités dans lesquelles l'organisation recrute, dans le récit qui se colporte sur les fondateurs par exemple, dans les événements que racontent les uns et les autres, à commencer par les "anciens", qui ont marqué l'histoire de l'organisation. 

Si ceux qui travaillent dans une organisation ne comprennent pas le sens ou ne le partagent pas,  la sortie de route n'est plus très loin. L'organisation a perdu le Nord !

NB : Ces quatre points cardinaux sont ma libre interprétation, adaptée au thème de cette chronique, du modèle S.E.R.A, formalisé par Patrick Dugois, fondateur d'Aka Transformations, dont je recommande les travaux, accessibles notamment sur sa chaîne YouTube


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