Stress intense et durable : allons-nous vers un changement de phase ?

 

Il y a tellement d'hystérie visible, de tensions palpables... cela m'a donné envie de partager les observations que nous pouvons faire autour de ces situations grâce aux modèles de la Spirale de l'Evolution / Spirale Dynamique de Clare W Graves et Don Beck ou au Process Communication Model (PCM) de Taibi Kahler. La Spirale s'intéresse surtout aux sociétés ou aux organisations, PCM surtout aux individus et aux équipes. Mais tous les deux présentent des modèles d'analyse de nos transitions sociales ou personnelles qui me semblent intéressants.

J'ai déjà écrit sur le sujet. Sur la Spirale Dynamique, c'est ici, sur Process Communication Model, c'est là.

La Spirale Dynamique : vers un nouveau système de valeurs

La Spirale Dynamique propose un modèle d'analyse et d'observation de l'évolution des organisations, voire de l'histoire de l'humanité.

Au début est le chasseur-cueilleur, société primitive, la start-up si vous voulez, la petite boîte qui démarre... Chaque journée est un acte de survie. La visibilité est faible. C'est le bébé de l'humanité : ses besoins sont très élémentaires : manger, boire, dormir, trésorerie, etc... Don Beck a associé la couleur beige au système de valeurs propre à ce stade d'évolution.

Ensuite vient la société en tribu, en petites collectivités, autour du chef, du sorcier, du sage ou du seigneur. Des rites s'installent, se respectent, une culture naît, au sens propre comme au sens figuré. C'est un autre système de valeurs, auquel Don Beck associe une autre couleur, le violet.

Troisième stade, nos tribus ont envie d'aller voir ailleurs, d'étendre leurs territoires. C'est l'époque des grandes découvertes, des conquêtes, l'époque des Gutenberg, des Christophe Colomb, des Ipods chez Apple par exemple. La couleur rouge est associée par Don Beck à ce système de valeurs, marqué par la volonté de pouvoir.

Puis vient la consolidation, les règles, les normes, l'Etat, les organigrammes et les processus. C'est le système de valeurs "bleu".

Cinquième stade, l'organisation étant devenue pesante, le balancier part dans l'autre sens : vive les entrepreneurs, les initiatives individuelles, le plaisir, la société de consommation, l'hédonisme, l'autonomie, l'accomplissement personnel. C'est le système de valeurs "orange"

L'individualisme pouvant dégénérer en égocentrisme, le sixième stade nous envoie vers du communautaire, la prise de conscience qu'il existe un ou des "biens communs" qu'il est important de préserver. C'est le système de valeurs "vert".  Ce système de valeurs a commencé à émerger il y a plusieurs années, mais nous y pénétrons de plus en plus. Le problème de ce stade est qu'il peut détruire, au nom de la communauté, tous les aspects positifs du stade "orange", voire les acquis du stade "bleu". En cela, ce sixième stade est à la fois un aboutissement et l'ouverture vers un stade nouveau.

Le septième stade, ce nouveau système de valeurs, le "jaune" vise à intégrer les acquis des stades précédents : Beck le décrit comme l'époque du "cerveau gauche avec des sentiments". Il est possible qu'il se développe en même temps que le "turquoise", décrit comme l'époque du "cerveau droit avec des données". 

De mon point de vue, nous sommes dans la transition d'un système de valeurs "orange" vers un système de valeurs "vert". Les choix faits par les gouvernants du monde entier quant à la gestion de la pandémie de Covid-19 montrent à quel point le collectif s'est imposé face aux individualismes. Partout où le système "orange" a fait de la résistance, les ravages de la pandémie ont été plus violents, d'un point de vue sanitaire, social et même économique. Et les militants écologistes de la décroissance qui nous alertent sur "la fin de l'anthropocène" en rajoutent une grosse couche quand vient le sujet de la lutte contre le réchauffement climatique. 

Tout le problème du système de valeurs "vert" est qu'il attaque les acquis positifs des systèmes précédents : l'autonomie, l'épanouissement individuel de "l'orange", l'organisation sociale et politique du "bleu", l'audace du "rouge" ne sont pas nécessairement des valeurs à bannir au nom de la préservation des biens communs. 

Cette transition vers un nouveau système de valeurs que nous vivons ensemble aujourd'hui génère bien entendu toutes les tensions que nous observons, la pandémie, par exemple, n'étant qu'un événement particulier, potentiellement accélérateur, de cette transition.

A suivre !

Changer de phase : une nouvelle vie commence

Quant au Process Communication Model, il nous apprend qu'à l'échelle de l'individu, tout stress intense et durable est susceptible d'entraîner un "changement de phase", c'est à dire l'accès à d'autres aspects de notre personnalité, avec des besoins psychologiques nouveaux, des canaux de communication différents, des environnements préférés différents et bien sûr des séquences de stress inédites pour la personne.

Or je crois que nous pouvons dire que, un an après le début de cette pandémie, un grand nombre d'entre nous sont susceptibles de vivre un stress intense et durable, à cause de la maladie, de la maladie ou de la perte d'un proche, des difficultés économiques, du télétravail plus ou moins souhaité, des changements radicaux auxquels confinement, déconfinements et autres couvre-feux peuvent nous soumettre.

Les séquences de stress observables sont innombrables :

- le surdétail qui affecte nos bons élèves de la fonction publique : épais manuels de déconfinement remis aux écoles, conseils pour la rentrée scolaire, manuels de vaccination de près de 50 pages, en sont quelques exemples aussi frappants que parfois risibles aux yeux des destinataires...

- le sur-contrôle qui prolonge ce goût du détail très poussé : les attestations de sortie en sont un joli exemple

- les irritations de ceux qui se méfient des vaccins qui viennent si vite... et qui se manifestent en sens inverse lorsque ceux-ci arrivent trop lentement, car sous stress certains d'entre nous voient d'abord ce qui ne va pas

- les croisades anti-ceci ou pro-cela, qu'il s'agisse de tel ou tel traitement par exemple, où des médecins plus ou moins sous tension veulent à toute force imposer leurs vues, ou des élus qui font la leçon aux responsables en charge, sur l'air de "si on m'écoutait, ça irait mieux" (tu parles), sans parler des thuriféraires du monde d'après

- les sur-adaptations de ceux qui se lamentent sur l'air de "ne nous disputons pas", qui se coupent en quatre pour faire, à leur corps défendant, tout un tas de choses qui ne leur font pas du bien

- les erreurs stupides qui décrédibilisent, comme le fait pour notre premier ministre de chercher frénétiquement ses lunettes devant les caméras de télé... alors qu'elles sont sur son nez

- les râleries multiples de certains d'entre nous pour remplir leur attestation, rentrer avant l'heure du couvre-feu, aller se faire tester et faire la queue devant la porte du moindre commerçant

- les blâmes répétés adressés aux fonctionnaires, aux policiers, aux patrons, aux syndicats, aux journalistes qui racontent n'importe quoi, et puis d'ailleurs "on comprend rien à leurs trucs"

- les retraites sous la coquille de certains d'entre nous, qui ne savent pas quoi faire, pas comment faire et aimeraient que quelqu'un viennent leur dire comment avancer mais n'osent pas le demander

- les manipulations à la petite semaine de tel ou tel sur l'air de "c'est toi qui l'a dit bouffi" pour éviter de se voir tenu pour responsable de telle ou telle action ou décision parfois inconsidérée

Vous vous êtes reconnus dans telle ou telle manifestation de stress ? C'est normal. Si vous vous dites que vous actionnez ce comportement bien plus souvent que d'habitude tout au long des douze derniers mois, vous êtes sinon mûrs, en tout cas un bon candidat pour le changement de phase.

Réjouissez-vous, vous allez vivre un grand changement. De nouvelles aventures commencent !