Où sont les abeilles, les papillons et les porteurs de thème ?




Ce post est une suite du précédent, avec ces références à la méthode du Forum Ouvert, de l'Open Space développée par Harrison Owen (l'homme en photo), fort utile à connaître pour structurer conversations, conférences et, pourquoi pas, grands débats, puisque les principes d'animation de l'Open Space s'appliquent aussi bien à des réunions de 5 personnes qu'à des rassemblements de plus de 2000 personnes.

J'en rappelle les 4 principes de base. Ceux qui trouvent cela trop elliptique sont priés de se reporter à mon post précédent (allez donc un peu naviguer entre mes posts, bande de petits feignants).
Principe n°1 : tous ceux qui viennent sont les bonnes personnes
Principe n°2 : ce qui arrive est ce qui doit arriver
Principe n°3 : quand ça commence c'est le bon moment
Principe n°4 : quand c'est fini c'est fini
J'en rappelle aussi la loi essentielle : la loi des des deux jambes !

Bon, maintenant, une bonne réunion s'appuie sur un ordre du jour clair pour tous ceux qui y participent. Quand un dirigeant et son équipe décident de lancer une réunion fondée sur les principes de l'Open Space, une grande partie de leur travail va consister à définir le thème central de la réunion, donc de l'invitation à lancer. Ils vont aussi définir la liste des invités / participants, sans prendre de précautions particulières vis à vis des préséances et autres hiérarchies connues ou invisibles dans l'organisation. C'est un travail.

Continuons notre petit jeu de la comparaison avec le Grand Débat lancé par Emmanuel Macron pour transformer la colère en prise de parole et recherche commune de solutions.

Au passage je suis d'accord avec l'idée. Si mes meilleurs lecteurs se souviennent de mon post sur les émotions, ils se souviendront que, comme la colère naît du sentiment d'un manque de respect, une façon de calmer le jeu est de questionner la personne en colère, de lui donner le temps, l'espace de s'exprimer, d'utiliser votre pouvoir de le faire réfléchir quelle que soit l'exaspération que sa colère crée en vous. Pensez à Henry Fonda dans "Douze Hommes en Colère".

Dans la comparaison avec le Grand Débat, le dirigeant est bien sûr Emmanuel Macron et l'invitation est la lettre envoyée à tous les Français que vous pouvez lire ici,

Nous sommes tous invités. Il y a 4 thèmes, chacun donnant l'occasion de poser plusieurs questions, certaines formant un tout d'ailleurs. Je compte pour ma part 20 questions réparties dans les 4 thèmes. Il y a enfin une date butoir : le 15 mars.

Pour une invitation dans un esprit Forum Ouvert / Open Space, il aurait été préférable d'indiquer les 4 grands thèmes en les exprimant sous forme de 4 grandes questions.

La force de l'Open Space est de générer de la créativité, à un niveau d'intensité jamais vue dans l'organisation qui le met en place, avec une implication remarquable, dont, bien entendu, le dirigeant et son équipe veilleront à ne pas en oublier l'impact.

Il y a pas mal d'ingrédients dans le grand débat qui montrent que tout cela mériterait une animation dans l'esprit de l'Open Space. Il manque cependant cette méthode, y compris quand Macron s'invite d'ailleurs dans telle ou telle réunion et même s'il y a un côté intéressant dans la manière dont il mouille la chemise et va au contact.

Pour réussir un Open Space, il y a trois ingrédients à ajouter aux 4 principes et à la Loi déjà mentionnés

Premier ingrédient : les porteurs de thème

Le porteur de thème est celui qui a envie de conduire une réflexion sur un des aspects liés au thème principal, car cet aspect le passionne. C'est ça qui compte, pas le fait qu'il y connaisse quelque chose ou rien du tout.

Pour donner aux porteurs de thème la possibilité de se faire connaître, l'animateur du débat prend bien soin :

- d'expliquer les règles de déroulement de l'Open Space, de rappeler le thème central, d'encourager tous ceux qui veulent s'emparer d'un sujet lié à ce thème à s'avancer au milieu du cercle, à indiquer le sujet qu'ils veulent traiter et à encourager tous ceux qui le veulent à le rejoindre pour y travailler avec lui
- de se taire et de ne pas craindre l'éventuel silence ou moment de flottement avant que le premier porteur de thème ne se manifeste
- de se rappeler que "ceux qui viennent sont les bonnes personnes", que "ce qui arrive est ce qui doit arriver" et que "quand ça commence c'est le bon moment". Et de savoir le rappeler à l'assistance, car les gens n'y sont pas habitués en général. Toutes ces règles donnent de la liberté et de la responsabilité. Il y en a toujours que cela inquiète.
- d'avoir prévu des espaces dans lesquels les porteurs de thème pourront se retrouver avec tous ceux qui partagent leur intérêt sur le sujet qu'ils veulent aborder
- d'avoir disposé la salle en un cercle si possible sur une seule rangée, facile à rompre. Eviter les doubles rangées, les tables, qui figent les positions.
- d'avoir prévu un "centre d'information", où chaque porteur de thème pourra venir avec les notes prises dans la discussion qu'il aura animé, afin que celles-ci soient récupérées et consignées, et affichées au vu de tous.

Dans chacun des espaces prévus pour les porteurs de thème, l'organisateur aura pris soin de laisser un document qui aide le porteur de thème à organiser sa discussion. Ce document comprend grosso modo 3 parties : le constat que les participants font sur le sujet, les suggestions qu'ils font pour améliorer la situation, les priorités qu'ils définissent pour agir.

Second et troisième ingrédients : les abeilles et les papillons

Tout cela fonctionnera bien si l'organisateur n'oublie pas de souligner l'intérêt de deux autres types de participants :

- les abeilles, ou bourdons : elles/ils vont d'un groupe à l'autre, butiner, polliniser, dire ce qu'elles veulent, rester longtemps ou 5 mn, car les abeilles ont bien compris la loi des 2 jambes. Leur grand intérêt, en plus de butiner chez l'un des trucs qu'elles peuvent exporter chez un autre est qu'elles évitent au porteur de thème de se sentir le "chef" de son groupe. Car si c'est le cas, le porteur de thème risque de voir partir son assistance et de se retrouver seul. Les abeilles sont des gilets jaunes exemplaires en fait.

- les papillons : ceux-là n'ont pas envie d'aller dans les groupes constitués autour des porteurs de thème. Ils préfèrent boire des coups à la buvette, papoter comme ils veulent, de temps en temps aller jeter un oeil au "centre d'information" pour voir ce qui ressort de ce machin, etc... Bref ils sont des centres de non-action. C'est très important ! Car quelque fois une abeille passe, boit un coup avec eux, capte un truc et va peut être aller le déposer dans un groupe. Remarquable effet de pollinisation !

Si j'en crois les récits des journalistes qui se promènent dans la France profonde, il y a parfois un peu de ça dans les grands débats qui tournent.  Mais pas toujours ! Je me console en disant "ce qui arrive est ce qui doit arriver".




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