Roger Hodgson, Supertramp et la négociation

Dans la foulée d'un concert donné à l'Olympia il y a quelques jours par Roger Hodgson, ex-chanteur du groupe Supertramp qui a bercé une grande partie de mon adolescence et bien au-delà, je me suis replongé dans l'histoire de ce groupe et j'y ai trouvé quelques éléments bien intéressants du point de vue de l'attitude en négociation et des conséquences que peuvent avoir ces attitudes à long terme.

Car la relation entre Roger Hodgson et son ancienne formation est une histoire tumultueuse, où se sont épanouies les incompréhensions mutuelles, la relation des uns ou des autres avec l'argent et bien sûr l'atmosphère électrique (forcément) qui peut entourer un groupe de rock, même "progressif", aussi successful que Supertramp à l'époque.

L'histoire (ou  ce que j'en ai compris) : premier round

Nous avons d'un côté Roger Hodgson, compositeur et interprète doué, au timbre de voix très reconnaissable. Il est l'auteur des plus grands succès du groupe et un jour, il décide de quitter le groupe.

De l'autre nous avons Rick Davies, autre compositeur et interprète majeur du groupe. Il se retrouve à la tête de la marque, et elle est très puissante, mais il a perdu une voix essentielle et surtout il passe un accord avec son ex-comparse, aux termes duquel le groupe ne jouera plus en scène les titres écrits par Roger Hodgson, et ceci alors même que les titres ont tous été co-signés (cf les pochettes de disque) par les deux ensemble, à l'image, de l'aveu de Roger Hodgson, de ce que faisaient McCartney et Lennon à l'époque des Beatles.

Bref, ce brave Rick Davies hérite d'une marque qui vient de perdre deux de ses attributs les plus populaires, les plus notoires et les plus reconnaissables. Bad trip camarade.

Au départ, Rick Davies va jouer le jeu. Le groupe sort de nouveaux albums. Mais le succès n'est plus autant au rendez-vous. Chez les fans, il y a toujours ceux qui préfèrent l'un à l'autre d'une part et, d'autre part, les groupes de rock se démodent aussi un peu parfois. C'est ce qui arrive au "son" de Supertramp, plus ou moins mais quand même un peu. Et puis Rick Davies n'a pas le talent de "faiseur de tubes" de son ex-comparse.

Donc, un jour, Rick Davies craque et balance dans un concert quelques morceaux du groupe parmi les plus réclamés par le public, dont le très fameux "Logical Song". Et, si j'en crois les gazetiers, il recrute même un chanteur dont le timbre de voix haut perché peut donner l'impression qu'il a trouvé un successeur à Roger Hodgson. En négociation, on appelle ça "un effet de surprise"...(c'est déloyal) ou "passer en force". L'accord trouvé n'était pas en phase avec les intérêts du groupe. Il est donc piétiné.

Premier enseignement de l'histoire : une négociation, ce n'est pas un processus pour trouver un accord, c'est un processus de création de valeur. Un accord qui ne crée pas de valeur n'est pas appliqué, ou alors pas longtemps. Demandez le programme à cette brave Theresa May (elle est anglaise aussi, comme Supertramp).

On va voir qui c'est Raoul (ou Roger plutôt) : second round

La déloyauté, malgré tous les arguments que les avocats vont sortir, ça ne marche pas. La relation était probablement déjà détériorée. Cela ne va pas s'arranger.
Si j'en crois des sources forcément partiales, Roger Hodgson va chercher à recoller les morceaux. Jolie démarche, constructive, avec des options sur la table, mais aucune ne marche.

Second enseignement de l'histoire : ce n'est pas parce que vous avez préparé des options magnifiques que vous allez "convaincre" l'autre. Les options, ma brave dame, c'est optionnel. Que cela ne vous empêche pas d'en préparer, bien au contraire. Mais les meilleures sont celles que l'on trouve ensemble.

Reste alors à Roger Hodgson à mettre en oeuvre ce qu'il peut décider à coup sûr sans que son ex-comparse ne le lui interdise : se remettre à son tour à jouer et rejouer ses chansons, en ajouter d'autres et cultiver son jardin en racontant son affaire aux médias sur un ton pas trop plaintif ni polémique. Il trouve le bon ton.

Troisième enseignement : dans une négociation, il est important d'avoir  une "MESORE" (MEilleure SOlution de REchange), quelque chose que vous pouvez décider de votre propre chef, certes moins intéressante qu'un accord, mais quelque chose qui vous permet de préserver vos intérêts.

Quatrième enseignement : dans une négociation, la communication est un élément clef. A la fois la communication avec l'autre partie, mais aussi la communication dans votre équipe (si vous êtes membre d'une groupe de rock par exemple, or Rick Davies va se fâcher avec tout le groupe) et enfin la communication avec l'ensemble des parties prenantes, en l'espèce les médias, le public, les fans,...

Au final

En plus de ses talents de compositeur et d'interprète, Roger Hodgson a des talents de communicant. Il rayonne plus que jamais, entretient la relation la plus chaleureuse qui soit avec son public. Bref, une vieillesse heureuse (plus de 70 ans quand même). Ses apartés en scène, en français dans le texte, sont évidemment très appréciés. En plus il est fait Chevalier des Arts et Lettres par notre ministre de la Culture (et il ne snobe pas l'affaire, lui, pas comme la très trash Blanche Gardin qui sait finalement ne pas être drôle)
Quant à Rick Davies, il a eu quelques ennuis de santé si j'en crois les blogueurs... et même quelques crapules se sont amusés à faire croire qu'il était décédé.... (un fan malveillant de Roger ?)
Cruel et très injuste.

Moralité: quand les alternatives sont plus mauvaises que l'accord, vaut mieux jouer l'accord. Pour des musiciens, quand même...

Post-scriptum pour ceux et celles qui aime le genre : concert top, j'y ai redécouvert ça




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