Ubu POTUS : sortir du cadre ou sortie de route ?
Qu’il s’agisse de Panama, du Canada, du Groenland et maintenant de Gaza, POTUS (acronyme désignant the President Of The United States) multiplie les déclarations sidérantes. Plus les choses avancent, plus Ubu s’affiche.
Mais qui est Ubu ? J’espère bien sûr que l’immense majorité de mes très lettrés lecteurs savent qui est ce personnage inventé par Alfred Jarry à la fin du 19ème siècle, héros grotesque d’une pièce de théâtre, d’une farce, qui raconte la prise de pouvoir du père Ubu sur le royaume de Pologne.
Le personnage du père Ubu est, Wikipedia dixit, lâche, traître, naïf, bête, gros, méchant et cupide. Bref, POTUS a tous les attributs du père Ubu. Il n’est pas courageux contrairement à ce que veut faire croire sa légende ; c’est un traître, son ex-mentor Roy Cohne pourrait témoigner ; il est naïf, il croit qu’on le respecte ; il est bête, j’entends par là d’une inculture hallucinante ; il est gros, je ne vais pas vous faire un dessin ; il est méchant, il n’a d’ailleurs aucune considération pour qui que ce soit ; il est cupide, est-il besoin de le préciser.
Entre la créature grotesque imaginée par Alfred Jarry et POTUS, la différence est de taille. Donald est bien réel. C’est une brute et il pratique ce qu’un éditorialiste appelle fort justement « une diplomatie de petit caïd ».
Donald peut fasciner par sa capacité à balancer sans ménagements des idées complètement dingues qui, une fois la sidération passée, relèvent en fait d’options jamais encore formulées pour résoudre des problèmes réels, des enjeux qui n’ont rien d’imaginaire et qui parfois traînent depuis des années, mais dont nous ne parlons pas ou peu car nous sommes le nez collé à nos soucis domestiques.
Prenons le Panama
Est-il invraisemblable de penser que le pouvoir chinois prend en considération ce point de passage stratégique, pour des raisons commerciales mais pas seulement ?
Relisez « Le Paradoxe du Poisson Rouge » de Hesna Cailliau. La carpe Koï, le poisson rouge dont il est question, n’avance pas en ligne droite, ne fait pas de bruit, prend son temps. Xi Jiping a lancé « les Routes de la Soie », tout un programme de tissage de liens qui pourraient finir par composer un ensemble bien solide.
Face à cela, POTUS considère qu’il n’a pas de temps à perdre pour couper les fils du tissu. Un président américain n’a pas l’éternité pour lui, encore mois dans un second mandat et en plus à 78 ans. Comme la brute ne connaît qu’un langage, il est prêt à cogner. Le Panama écoute. Comme dirait Michel Audiard : « quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ».
Que préférons-nous ?
Passons au Canada
Dans la guerre idéologique contre le "wokisme" que les conservateurs américains mènent, casser les pieds du voisin du dessus était presque un passage obligé. Donc POTUS donne des gages très vite à son électorat bas de plafond pour lui faire plaisir. C’est médiocre mais c’est humain et cela n’ira pas bien loin. Disons que le Canada va se dire qu’il est temps de diversifier davantage ses partenaires. Finalement cela lui rendra service. Les sorties de route de l’Ubu de Washington aident nos amis canadiens à sortir de leur cadre habituel.
Ce gros morceau du Groenland
La question du Groenland est un mélange des deux cas précédents. Reconnaissons que le sujet ne faisait pas vraiment partie des rubriques habituelles de nos journaux écrits ou télévisés. Cela dit, nul ne conteste le caractère stratégique de ce proto-état soumis à la couronne du Danemark étant donné sa position géographique et ses richesses en sous-sol.
Les propos sans filtre de Donald obligent à se poser des questions. Le Groenland se sent-il « européen » ? Le Danemark gère-t-il sa relation avec sa « province » d’une manière satisfaisante ? Il est temps de nous secouer les neurones sur le sujet. Comme ce que préfère Donald c’est passer pour un génie de la négo, quel gros susucre pouvons-nous lui donner pour qu’il soit content sans que cela ne nuise à nos propres intérêts ? Finalement, ce sont des bonnes questions.
Gaza ou la cerise sur le gâteau
Je me demande si je peux me permettre cette expression légère pour parler d’un territoire où les dirigeants d'un peuple jadis massacré se sont employés ces derniers mois à devenir des massacreurs.
Tout cela est bien compliqué pour Donald, qui préfère « voler vers l’Orient compliqué avec des idées simples ». L’aphorisme est de Gaulle, ce qui est faire beaucoup d’honneur à Ubu POTUS, mais bon. Il est cité chaque fois a posteriori, lorsque le dirigeant occidental s’aperçoit que ses gentilles idées en chambre explosent en vol une fois confrontées aux réalités ancestrales que cultive cette région du monde.
Quand un promoteur immobilier voit des ruines au bord de la mer, il se dit naturellement qu’il y a quelque chose à faire, quelques casinos à mettre au minimum. Aucune considération des populations locales bien sûr, l’empathie est un mot qui ne figure pas dans son vocabulaire. Quant aux racines historiques du lieu, vues par un promoteur new yorkais, quès aco ?
Au moins si le projet, aussi baroque soit-il, était proposé aux Palestiniens eux-mêmes, nous pourrions le prendre à peu près au sérieux, à supposer qu’il soit possible à tout Palestinien de s’extraire à ce point des horreurs vécues. Car mieux vaudrait un avenir à Monaco qu’un passé à Guantanamo City (ce qu’était Gaza).
C'est pourquoi je ne suis pas sûr qu'il faille chasser complètement l’idée folle de notre Ubu POTUS. En tout cas laisser la reconstruction se faire sans être partie prenante au projet, c’est à dire laisser le champ libre à Israël, ce n’est sûrement pas la bonne solution pour en sortir.
Il serait bon de convertir les sorties de route de l’affreux président à la chevelure orange en actions « out of the box ». Donald est-il capable d’être authentiquement créatif ? Sinon, un jour, je me dis qu'il est possible que le lobe de l’oreille droite du père Ubu se prenne un nouveau projectile, voire que ce dernier soit moins précis !
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