Le Prix Nobel de la Paix devrait être pour elles


Elles, ce sont deux jeunes femmes, l'une palestinienne, Gazaouie même, Tala Albanna ; l'autre israélienne, Michelle Amzalak. Le 7 octobre 2023, la première était à Gaza et la seconde à Sderot, une ville israélienne quasi mitoyenne de la bande de Gaza.

Toutes les deux, réunies sous l'impulsion d'un jeune journaliste français du Nouvel Obs, Dimitri Krier, viennent de publier un livre au titre magnifique : "Nos Coeurs Invincibles" et en témoignent dans les médias. Ce livre est le produit de leur correspondance, une initiative que leur a proposée le journaliste et qu'elles ont accepté de prendre.

Je viens de terminer le livre. J'en recommande l'achat à tous. A défaut, vous pouvez toujours jeter un oeil sur leur passage dans l'émission "Quotidien" de Yann Barthès.

S'il y a des personnes qui mériteraient un jour le Prix Nobel de la Paix, ce sont elles !

Cela damerait déjà le pion au "locataire de la Maison Blanche". 

J'ouvre la parenthèse à propos de cette périphrase convenue : je me dis qu'elle s'avère tous les jours un peu plus sujette à caution, ledit locataire se comportant davantage comme quelqu'un qui se croit propriétaire. Je ferme la parenthèse.

Puisqu'il se proclame chrétien, l'entourage du POTUS se ferait alors rappeler par l'Académie Nobel que "les derniers seront les premiers" et que, par conséquent, ces deux femmes aussi simples qu'intelligentes méritent au moins autant les honneurs de ce Prix que leur caudillo, quel que soit le potentiel de valeur des "accords d'Abraham" qui apparaissent comme l'un des rares legs positifs de Trump 1. 

Certes elles n'ont pas accompli autre chose qu'un ouvrage épistolaire, mais le signe qu'elles envoient a un sens, pour la paix, autrement plus fort et encourageant que les vidéos minables réalisées avec de l'IA et qui prétendent vouloir faire de Gaza une station balnéaire de ploucs à fric.

Alors que chacun s'interroge sur les chances de succès du "plan de paix" concocté par Jared Kushner, il y a dans ce livre plusieurs réflexions qui donnent une idée du chemin qu'il reste à parcourir avant que cette guerre identitaire mortifère n'appartienne au passé.

Accepter le récit de l'autre

Dans sa préface, le journaliste, Dimitri Krier, fait référence ainsi à un autre livre publié sur ce conflit, les "Lettres à mon voisin palestinien", de l'écrivain israélien Yossi Klein Halevi, où l'auteur écrit : "Nous devons apprendre à accueillir les récits de l'autre". 

Pour cadrer le sens de son initiative, quelques pages plus loin, Dimitri Krier souligne un point essentiel dans un processus de négociation quel qu'il soit, mais encore plus indispensable en l'espèce : "cette correspondance n'a pas pour but de soutenir un camp, mais de comprendre l'autre".

Cette nécessité de l'acceptation du récit de l'autre est au coeur d'une démarche de négociation de paix durable. Elle était présente dans la démarche d'Anouar el Sadate, de Menachem Begin, de Yasser Arafat et d'Yitzhak Rabin, lesquels, en chefs de guerre revenus de leurs illusions, avaient accepté de construire, avec leur ennemi d'hier, un nouveau récit pour les années à venir. 

Le premier chapitre de ce nouveau récit est celui des accords de Camp David en 1978 et des accords d'Oslo en 1993 (Prix Nobel de la Paix aux signataires israéliens et palestiniens dans les deux cas). 

Comme l'écrit Michelle, la jeune israélienne : "la paix se signe avec ses ennemis. Pas avec ses amis."

La correspondance entre ces deux jeunes femmes illustre remarquablement la nécessité d'accepter ce récit de l'autre et ce travail de compréhension : comme l'écrit Tala, la palestinienne de Gaza, quelques mois après le début de leur échange : "en fait nous ne sommes pas ennemis. Nous ressentons les mêmes choses". Et de rappeler un peu plus loin en parlant de sa correspondante : "tu nous montres l'humanité que les statistiques ne peuvent pas rendre".

Ecrire le troisième récit

Pour imaginer un avenir à une relation aussi dégradée que les relations entre israéliens et palestiniens, il ne suffira pas à chacun d'être capable d'écouter les deux premiers récits, celui d'Israël et celui de la Palestine. Ce sera un préalable indispensable et ce livre n'est qu'une lumière bien fragile, mais il faudra ensuite être capable d'écrire ensemble un nouveau récit, le troisième en fait.

Anouar el-Sadate et Menachem Begin avaient commencé à écrire ensemble ce nouveau récit de la relation entre "le monde arabe" et Israël, en dépit de l'assassinat d'Anouar el-Sadate par les Frères Musulmans égyptiens. Il y avait eu un écho, en Jordanie et au Maroc par exemple et il me semble que les "accords d'Abraham" pouvaient s'inscrire dans cette filiation.

En revanche le troisième récit démarré par les accords d'Oslo, celui de la relation nouvelle entre les populations israélienne et palestinienne s'est effondré, sous les balles des extrémistes juifs qui ont assassiné Yitzhak Rabin, des extrémistes dont le gouvernement d'Israël aujourd'hui est proche.

Donald Trump est-il capable de relancer ce "troisième récit" ? J'en doute. Sa rhétorique de marchand d'armes vulgaire ne plaide pas en sa faveur. Obsédé par sa grandeur, voire par sa vengeance, il n'a pas franchement le profil vous ne trouvez pas ?

"Un simple accident"

Autre recommandation culturelle du week-end, le film iranien de Jafar Panahi : "Un simple accident". 

Il y a des liens à tisser entre le livre de Tala Albanna et Michelle Amzalak car ce film absolument excellent pointe lui aussi l'inanité du cycle sans fin de la violence.

Je doute hélas que le roquet de Donald, Pete Hegseth le tatoué, son ministre de la Guerre puisque dire ministère de la Défense était un choix de loser, ne regarde jamais "Un Simple Accident". C'est dommage, ça le ferait progresser.

Si vous avez lu ce post jusqu'au bout, c'est que vous êtes d'une autre trempe que Pete Hegseth. Allez donc voir ce film dans votre cinéma favori.

Un bouquin + un film : voilà de quoi vous nourrir en ce début d'automne


 

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