Plus de notes à l'école ?

Le Ministère de l'Education Nationale envisage de supprimer les notes à l'école primaire (a priori c'est déjà le cas depuis pratiquement 20 ans, en tout cas dans les écoles que je connais) et au collège. Camarades lycéens, révoltez vous, vous n'êtes pas concernés semble-t-il.

A peine l'info sortie, nous voilà accablés d'arguments et de contre-arguments, tous plus "assénés" les uns les autres. Cetautomatix et Ordralfabetix sont de sortie, franchement je sens que je vais préférer aller me rassasier d'un sanglier.

Dans ce que je lis, reviens en boucle l'idée que "la vie étant injuste, autant préparer nos chères têtes blondes à la sélectivité le plus tôt possible". Bon, donc les notes sont faites pour trier ? D'autres soulignent que si les notes sont "stigmatisantes" c'est bien, et que les notes sont un remède à l'échec scolaire. Notre merveilleux classement dans les études PISA serait donc dû à une insuffisance de notes ?

Ainsi Luc Ferry assène-t-il que le projet est "d'une stupéfiante niaiserie" et "qu'une évaluation n'a pas être bienveillante, juste utile et objective".

Je ne vois pas en quoi être utile et objectif interdit d'être bienveillant et en quoi la bienveillance serait inutile et de parti-pris. Les affirmations de Luc Ferry nous renseignent seulement sur les attentes de Luc Ferry et ses semblables vis à vis d'une évaluation. Pour eux, la bienveillance n'est pas une valeur. Ils y voient un côté limite gnangnan. Pour eux, les notes sont utiles comme leur sont utiles la tenue des horaires, la connaissance des délais et leur façon de ranger leurs bureaux. C'est leur côté "ordinateur".

Est-il cependant possible de considérer que les enfants et les ados, comme les adultes aussi d'ailleurs, ne sont pas tous bâtis comme des ordinateurs ? La fascination pour les notes reflète à mon sens cette une absence de prise en compte de la diversité des besoins des élèves. La bienveillance consiste à accepter cette diversité  et à chercher à faire en sorte que l'élève trouve ses points forts et fasse fructifier ses talents. Est-ce si éloigné de l'enseignement ?

Pour être aux premières loges en primaire, au collège, au lycée et à la fac compte tenu de l'étendue de ma descendance, je constate que les notes sont devenus hystérisantes chez les enseignants, chez les parents et, par ricochet, chez les élèves et qu'elles ne permettent plus à l'élève de découvrir ces points forts et ses talents. La note est devenue une fin en soi.  Je ne vois pas l'intérêt des moyennes générales par exemple, saisies désormais en temps réel grâce à leur mise en ligne immédiate. Donc suivies à la loupe, alors que je ne vois pas pourquoi les enfants auraient l'obligation d'être exemplaires dans toutes les matières.

Les exemples de dérives sont légions : entre les devoirs notés sur 5, ceux sur 10, sur 20, ceux sur 25, ceux sur 30 voire sur 40.... Ou le 9,85 donné à une rédaction en allemand... Quitte à mettre en dessous de la moyenne, 9 donne une info suffisante, non ? Comme disait Coluche en parlant des lessives "plus blanc que blanc je vois pas bien ce que c'est comme couleur". En tout cas, "D" ça ma paraît bien coller, en l'espèce. Moi parent je comprends que la rédaction de mon rejeton est franchement pas terrible. Lui aussi va comprendre très bien. Personne n'a besoin de ces 0,85 points qui me semblent juste refléter le goût du sur-détail de cette brave prof d'allemand. Anglais, Américains, Allemands et consorts vivent avec ça, je n'ai pas l'impression que les sociétés anglo-saxonnes ou allemandes soient, au moins sur ce point, d'une "stupéfiante niaiserie".

Le système scolaire français est complètement imbibé de ce goût insensé pour la critique et cette méfiance vis à vis de l'encouragement. Je ne veux pas être injuste : il y a beaucoup d'enseignants qui ont envie de donner le goût de leur matière à leurs élèves. Mais combien d'autres sont-ils en train de sombrer ? Dans le collège de ma fille, il y a une prof d'anglais qui déclare en début de cours "qui va être ma victime aujourd'hui ?" ou un prof d'histoire qui n'ose pas regarder ses élèves, n'entend pas le chahut inouï qu'il déclenche, continue à parler dans le brouhaha et refuse obstinément d'évoquer le sujet avec ses collègues, qui osent d'ailleurs à peine lui dire, sans parler de la directrice du collège qui se planque derrière une inspection d'Académie aux abonnés absents.

Tout cela nous emmène loin des notes ? Oui et non. La maladie de l'école et surtout du collège me semble surtout se voir dans la solitude des enseignants, leur absence totale de management, dans l'incapacité du système à dire à un enseignant... qu'il doit envisager un autre métier, dans les salaires grotesques, ou un syndicalisme arc-bouté sur les moyens et qui, du coup, tourne en rond. Alors, les notes... C'est un aspect de la maladie. On peut déjà soigner ce bout là.

En attendant, je vais continuer à être sollicité par des entreprises sur le thème "comment apprendre à mes managers à faire des feed-back". C'est sûr, pour des personnes éduquées à coup de "peut mieux faire" et de 11,07/20 de moyenne, c'est compliqué de calibrer un feed-back quand on a besoin de mobiliser les énergies. Ce que j'aime dans la réflexion sur les notes c'est qu'elle mène à une réflexion adulte sur les feed-backs. Mais je n'ai rien lu dans les journaux sur ce sujet ce matin. Qu'en dit Montebourg, qui est retourné à l'école après avoir réalisé que "diriger une entreprise c'était un vrai boulot" ?

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