Lupin, Djokovitch, Boris, et la création de valeur

 


Le week-end a été riche pour les amateurs de sensations et de négociations.

Bien sûr ni Arsène Lupin ni Novak Djokovitch ne prétendent être des négociateurs et c'est tant mieux mais ils ressemblent beaucoup à des personnes que vous et moi pouvons croiser dans nos vies, et qui, hélas, se prétendent être des négociateurs, à l'image de Boris Johnson, qui mérite désormais durablement le sobriquet de Boris alias la Saucisse. 

Je reconnais que ce surnom n'est pas hyper cool mais est-il nécessaire d'être cool avec le camarade Boris, that is the question comme l'écrivait ce vieux Bill. Et puis, Boris la Saucisse, quelle belle alitération en "isse", quel rime riche aussi, au moins aussi riche que mon tailleur, à supposer que cette vieille blague puisse encore être comprise.

Que nous disent ces trois personnages sur la façon de créer de la valeur (ou pas), voyons voir.

Lupin, prince des manipulateurs

Arsène Lupin, qui fait les délices de Netflix dans sa version "inspirée de Maurice Leblanc" est un maître en affabulations et trucages de toutes sortes. La différence entre un manipulateur et un négociateur s'observe ainsi : le négociateur vient vous voir car il espère gagner quelque chose avec vous, et il vous le demande. Le manipulateur espère gagner quelque chose à votre insu, et naturellement il vous raconte des salades.

Arsène Lupin est un manipulateur sympathique. C'est tout l'art du romancier ou de l'auteur de la série aujourd'hui. C'est bien dans la fiction que cela se situe car, dans la vraie vie, il n'y a aucun agrément à retirer de la fréquentation de quelqu'un, ou d'une organisation, qui "vous fait du mal en vous expliquant que c'est pour votre bien". D'ailleurs Arsène Lupin vous embrouille sans faire la morale. Quelle chance ! Comme dit la chanson "il s'empare de vos valeurs sans vous menacer d'une arme"

Djokovitch, champion du rapport de force

Une négociation n'est pas un match de tennis. D'un match de tennis, comme de toute compétition sportive, doit émerger un vainqueur et un vaincu. Dans ce registre, j'ai toujours trouvé que la dramaturgie du tennis, singulièrement à Roland Garros avec sa terre rouge, était la plus remarquable. Le problème est qu'une immense majorité de personnes, en France et ailleurs, s'imaginent que, pour sortir gagnants d'une négociation, il doivent se comporter comme au tennis, avec beaucoup d'échanges, longs, où il faut surtout "ne pas lâcher", avec des surprises, des feintes, des amorties, des jeux psychologiques aussi (ah les contestations arbitrales parfois, cela peut être calculé). 

Or rien de tout cela n'est utile en négociation. Certes Donald Trump le croyait. Que personne ne vienne prétendre que cela a fait gagner quoi que ce soit aux Etats-Unis, ni même au monde compte tenu de l'influence de ce pays sur les autres, de son rayonnement. La disparition, au moins de la scène internationale, de Donald Trump est un grand moment de dépollution de la planète. Bon, ce n'est pas fini. Il y a encore beaucoup de mauvaises odeurs.

En tout cas, c'est seulement en regardant le combat entre Nadal et Djokovitch, entre Tsitsipas et Djokovitch, que nous pouvons contempler un "beau" rapport de force. Sinon le rapport de force est en général laid, avec ces visages crispés, ces maux de ventre ou de dos, ces blessures de toutes sortes. D'ailleurs, ces modernes gladiateurs que sont les tennismen (& women) sont souvent blessés, gravement, physiquement et même aussi moralement comme l'indique le comportement de la joueuse japonaise, numéro 2 mondiale en plus, qui a préféré quitter le tournoi, pour, si j'en crois les gazettes, "préserver sa santé mentale".

Enfin au terme de cette quinzaine, c'est Djokovitch qui renforce sa valeur ! Comme personne n'a été volé et même pas Tsitsipas, qui, s'il est déçu, repart aussi gonflé d'une valeur toute nouvelle, le spectacle et le sport étaient magnifiques.

Boris : quand l'accord ne crée pas de valeur

Boris Johnson a menti, chacun le sait et lui aussi probablement même s'il a choisi de s'en moquer éperdument : le Brexit ne créera aucune valeur, même pas pour les eurosceptiques. Tout juste les anglais peuvent-ils espérer qu'il en détruira le moins possible.

Comme cet accord détruira probablement davantage de valeur pour les anglais que pour les 27, le camarade Boris n'a aucune envie de l'appliquer. Car chaque mise en application crée comme une seringue dans laquelle Boris a du mal à se glisser.

Donc Boris attaque, fabule, menace, esquive, etc.. Je le croyais plus créatif, il me déçoit. Il y viendra peut être d'ailleurs, à la créativité, ou l'un ou l'autre de ses successeurs y viendra. Pour l'instant, bien sûr, il attise, remet de l'ambiguité, recrée de la peur en Irlande et donc bientôt en Angleterre même, il ne respecte rien, etc...

Une négociation n'a pas pour objectif de déboucher sur un accord. Penser cela est trop simpliste. Une négociation est d'abord et avant tout un processus de création de valeur.  Hélas comme le Brexit est un mensonge, s'il y avait un deal, c'était immanquablement un marché de dupes. Construire sur un mensonge c'est bâtir une fable. Nous allons donc continuer à observer, comme ce week-end, et tout au long des années qui viennent, une série de bagarounettes peu appétissantes. Jusqu'au jour où il apparaîtra évident qu'un "reset" s'impose !


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