Ça va bien se passer vous croyez ?



Ça ne se passe pas bien

La publication des Fossoyeurs met sur la table un sujet consternant.

Je ne peux pas m'empêcher, depuis le début de cette histoire, d'écouter les cris des accusateurs avec un mélange d'intérêt et de scepticisme. Intérêt pour le sujet, scepticisme quant à l'exploitation qui en est faite.

Je n'ai pas lu le livre en entier, juste les extraits "feuilletables" sur le site de la FNAC. Je relève que les points mentionnés dans ces extraits sont systématiquement ceux mentionnés dans les médias. Je me demande alors si très nombreux sont les journalistes qui n'ont pas lu non plus le livre. 

Je relève que l'auteur déclare d'emblée qu'il n'a pas pour objet de jeter l'anathème sur tout un secteur. Rien à craindre, d'autres que lui vont s'en charger.

En matière de communication, seul angle que je peux décemment prendre pour traiter un sujet aussi complexe, je suis tombé sur cette interview sur BFM de la patronne de Korian, un autre acteur majeur du secteur, qui se retrouve à son tour embarqué dans l'histoire 

Je ne sais pas si elle a convaincu, mais elle a affronté le sujet avec une détermination louable. Bruce Toussaint est assez logiquement pénible et en tout cas confrontant, et elle arrive à revenir à son sujet, à ne pas se laisser déborder, tout en mettant sur la table un certain nombre de points intéressants sur l'interprétation des résultats par exemple, sur l'enjeu du grand âge pour tous, sur des comparaisons avec l'étranger. Et les reportages à charge de BFM restituent tellement les stratégies d'avocat qu'ils en perdent pas mal de crédibilité. Je ne connais pas cette dirigeante mais elle a très bien travaillé son interview.

J'aime beaucoup enfin sa façon d'expliquer pourquoi elle est d'accord pour venir répondre en direct aux questions alors qu'elle refuse de rencontrer Cash Investigation. 

Je m'explique : sauf si vous croyez que le monde est peuplé de gentils témoins d'un côté et de méchants dirigeants de l'autre, les situations comme celles que fait sortir cette histoire ne sont pas en noir et blanc. Les équipes de Cash Investigation n'ont rien de gentils éclaireurs en quête de bonnes actions. Une interview par Cash Investigation n'est pas une conversation entre amis. Vous ne serez jamais à la table de montage, c'est normal d'ailleurs. Sachez que le montage est pleinement un choix rédactionnel, en rien un simple acte technique bien sûr ! Donc répondre à Cash Investigation revient à prendre un pari sur l'avenir face à des interlocuteurs à charge. 

En s'en tenant aux interviews en direct, en plateau, la DG de Korian se protège du montage. Pas à 100% bien sûr étant donné les extraits que la chaîne ou d'autres intervenants pourraient sélectionner, mais au moins, en cas de malveillance, existerait-il une version originale complète consultable.

Pendant son interview sur BFM, la DG de Korian cherche à attraper une bouteille d'eau et interrompt son geste quand la caméra revient sur elle. Bruce Toussaint lui dit alors, sur le mode "ça va bien se passer", qu'il ne s'agit pas d'un interrogatoire. La mimique (retenue) de la DG de Korian est explicite de son ressenti réel !

Ça va bien se passer (lol)

Le coup de menton de Gérald Darmanin face à Apolline de Malherbe est fâcheux pour le ministre. Avec le soupçon de sexisme, voire pire, qu'il traîne, ce serait préférable pour lui qu'il réserve ce type de répartie à d'autres publics.

Je relève l'enchaînement. La question de la journaliste le pique pile au plexus, car elle est une attaque directe sur ses bases : sa crédibilité et surtout sur l'image qu'il entend avoir de lui-même.

La question est la suivante : "est-ce que sur les questions de sécurité vous ne vous êtes pas réveillé un peu tard ?".  Si la question avait été quelque chose comme "Etes-vous en retard sur les questions de sécurité ?", je ne pense pas qu'il aurait réagi aussi vivement. Méfions-nous des questions interro-négatives.

Bon, maintenant, un journaliste n'a pas à être bienveillant évidemment et un ministre doit s'entraîner à déjouer ce piège, assez commun quand même. Donc c'est un gros loupé dans le genre, d'autant plus qu'Apolline de Malherbe avait quelque chose à se faire pardonner dans la complaisance, après son interview de Patrick Balkany, qui, balancée avec un montage défectueux, montrait que, hors séquence, elle tutoyait l'escroc très gentiment. 

Gérald Darmanin lui a donné une excellente occasion de faire oublier cette fuite malencontreuse et de s'acheter un prix de vigilance pour pas cher. L'émotivité des deux côtés de la table était bien au rendez-vous. La crédibilité et l'image des deux protagonistes étaient bien en jeu. Le reste n'a pas d'importance.

Ça se passe comme d'habitude

Le week-end et les vacances scolaires nous amènent les "convois de la liberté". Triste spectacle d'une sorte de "revival" de Gilets Jaunes désormais montés sur roues. Donc, manifs, réseaux sociaux, chaînes d'infos continues sous amphétamines, etc... etc... Faire des kilomètres en voiture ou en camion pour protester contre la hausse du prix de l'essence, il fallait y penser. Renouveler le genre des manifs antivax, c'était sûrement nécessaire pour leurs promoteurs. Tout cela donne un fourre-tout de râleries qui ne peut pas déboucher sur quoi que ce soit, un grand nombre de ces Jacquou le Croquant du 21ème siècle se proclamant abstentionnistes de surcroît.

Ça pourrait barder

Quand on dîne avec le diable, il faut une longue cuillère. 

C'est ce que je me disais en contemplant la discussion entre Poutine et Macron de part et d'autre de cette table ridicule, à la fois immense et dans un décor d'une laideur grandiloquente. J'en profite pour rappeler les points-clefs d'une négociation :

- les intérêts des parties en présence, lesquels sous-tendent les positions affichées

- les objets de négociation posés : de mon point de vue, les voyages d'Emmanuel Macron avaient entre autres enjeux celui de définir un agenda des points à négocier, pour sortir des catalogues de reproches sur les actes passés.

- les options créatives qui permettraient à l'ensemble des parties prenantes de conclure sur une victoire

- les critères objectifs qui permettront de légitimer tel ou tel accord devant les populations concernées

- la stratégie de communication retenue : de ce point de vue, la table kitsch au nom de la distanciation sociale est un très petit minimum syndical dans l'établissement d'une communication saine

- la qualité de la relation : c'est pourquoi il reste important que les uns et les autres se rencontrent

- la meilleure solution de rechange à un accord négocié : la guerre est aujourd'hui le plan B affiché par les Russes. Quel est le plan B de l'Ukraine ? de l'Union Européenne ? des Etats-Unis ?

Ça donne envie de s'énerver

Un mot pour finir sur le mouvement des "Hijabeuses" qui rappelle celui du burkini il y a quelques années : la candeur de certaines réactions ne peut que nourrir le vote en faveur d'Eric Zemmour. 

Ceux qui plaident la tolérance devraient aller faire un tour dans certains pays, ou regarder l'excellente série jordanienne Al Rawabi School for Girls sur Netflix pour comprendre le poids du patriarcat et le caractère invraisemblable et toxique de ce soi-disant choix de la liberté vestimentaire. Lisez aussi "Lire Lolita à Téhéran", entre autres bouquins éminemment explicites

Bon, on va essayer de rester calme !


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