Quelques raisons de rester sans voix face à la page blanche


Un ami me faisait récemment remarquer que je publiais moins. Il se demandait pourquoi.

C'est assez vrai et en démêler les raisons n'est pas forcément évident. C'est principalement le résultat d'un questionnement personnel : comment chroniquer autour des sujets qui m'intéressent, le management, la communication, la négociation, face au torrent de boue que charrie l'actualité. Je me sens insignifiant. Je reste sans voix devant la page blanche. 

Je trouve cependant dans Le Monde de samedi matin une histoire complètement idiote qui va me donner l'occasion de souligner à quel point certains responsables sont d'une stupidité sans nom quand il s'agit de construire une communication.

Gribouille fait de la com'

L'histoire se déroule autour de l'étang de Berre. Une association de théâtre de rue, Karwan, qui se veut lanceuse d'alerte face au réchauffement climatique, pense avoir une idée de génie. Pour attirer l'attention sur la dégradation et la pollution dans l'étang de Berre, elle imagine de lancer une info bidon sur l'existence d'une grosse bébête, façon monstre du Loch Ness, dans les entrailles de l'étang.

Sur le papier cela paraît une jolie allégorie d'une pollution dangereuse. Mais l'info est lancée sur le mode premier degré. "On" annonce une créature dangereuse dans l'étang.

L'association met dans le coup de son info bidon le Gipreb, le syndicat mixte en charge de la réhabilitation du lieu ainsi que le quotidien local, La Provence, et les mairies des communes environnantes.

L'affaire semble marcher fort bien : la population commence à s'inquiéter. Certains habitants font savoir qu'ils ont "repéré une forme bizarre". Les élus n'hésitent pas à alimenter le bidule. Bref, la rumeur enfle. Sur les réseaux sociaux, ça papote à fond.

Et BFM débarque. Eux ne sont pas dans le coup. Ils vont répandre l'affaire puis réaliser qu'ils se sont fait rouler dans la farine. Et France Bleu Provence va finir par flinguer l'affaire en révélant le pot aux roses et calmer une population qui commence à s'inquiéter pour de bon. Que voulez-vous les gens ne sont pas très malins. 

L'affaire est infime (elle a duré une semaine) mais bon, comment voulez-vous qu'on s'en sorte. Créer des fausses nouvelles, demander à des journalistes de les diffuser, tout cela pour dénoncer un problème de pollution soi-disant occulté par les grands méchants que sont EDF au premier plan mais aussi d'autres industriels, à quoi rime cette stratégie ? Ils font le buzz et ils sont contents ? Il en reste quoi de cette affaire ? 

Il paraît qu'il faut lutter contre le climato-scepticisme. C'est la bonne manière ? Il paraît que les Français ne font pas confiance aux médias ? C'est une façon de faire changer cela ? Il paraît que les Français ne font plus confiance aux élus, y compris les maires. Avec ce type d'opération gribouille, cela va mieux ?

Cette histoire grotesque réunit, sur mode quasiment parodique, tous les travers qui me laissent sans voix et alimentent mon syndrome de la page blanche :

- la recherche effrénée du buzz pour faire pression : à force de vouloir monter le son on explose le mur du çon, comme dirait le Canard

- la crédulité ambiante : avec sa cohorte de complotistes quand les sujets ont de l'ampleur

- la difficulté de faire la part des choses : la pollution dans l'étang de Berre n'est pas bidon mais chacun peut se demander si tout cela est bien sérieux

Les lois de l'actualité et du mort au kilomètre

Dans les nouvelles les plus graves que nous nous prenons pleine face, nous ne sommes cependant pas démunis (message d'optimisme) et nous pouvons aussi nous dire que, au bout du compte, la réalité finira par congédier les toxiques :

- Donald Trump finira en prison et ruiné. Il ne sera pas (ré)élu. Je prends les paris. Il ne va pas falloir s'endormir cependant. J'accepte le reproche de prendre mes désirs pour des réalités. Mes désirs... ouh la la.

- Poutine finira dans un cul de basse fosse. Il se trouvera bien quelqu'un qui saisira une occasion. 

En attendant, pour cause de Hamas, Zelensky et lui sont descendus en seconde division de l'info. C'est évidemment affligeant. Mais que voulez-vous, la loi de l'actualité et celle du mort au kilomètre sont impitoyables. 

La guerre en Ukraine dure et à l'époque des séries sur Netflix, le public commence à s'ennuyer. Il fallait donc du sang neuf ! C'est le cas de le dire... C'est la loi de l'actualité. Priorité au "nouveau". 

Quant à ce qui se passe en Israël, il y a beaucoup de Français concernés, là-bas ou même ici, donc ce conflit nous est encore plus proche. C'est la loi de proximité, aussi surnommée loi du mort au kilomètre.

Donc le conflit à Gaza emporte tout sur son passage. Si cette expression ne s'appliquait qu'au temps d'antenne, ce ne serait pas trop grave. Comment sortir d'une situation pareille ? 

Pour tous ceux qui voudraient avoir un peu d'arrière-plan, je recommande la BD publiée chez La Boîte à Bulles sous l'égide d'Action Contre la Faim il y a quelques années, et signée du dessinateur espagnol José Pablo Garcia : "Vivre en Terre Occupée, un voyage de Naplouse à Gaza"

Les thuriféraires du gouvernement israélien peuvent continuer à hurler, il n'est pas inutile de prendre conscience de cette réalité-là.

Ce qui se passe en Israël est la démonstration ultime de l'inutilité absolue du rapport de force pour résoudre un problème commun à deux parties (ou plus). Les bras de fer ne servent pas à marquer des points, j'ai déjà chroniqué là-dessus cent fois.

Il nous reste à espérer que des dirigeants de cette région aient le courage d'Anouar el Sadate, le président égyptien qui a payé de sa vie la signature du traité de paix de Camp David en 1978 et sa visite à la Knesset. Il va falloir patienter un peu je le crains.

Et pour vous faire une idée des Frères Musulmans, les parrains idéologiques du Hamas, vous pouvez toujours lire Le Radeau de Mahomet de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz. Je ne suis pas sûr que cela ait beaucoup vieilli !

Un dernier mot sur Mélenchon et son gang enfin. Leur haleine est tellement chargée que cela commence enfin à indisposer leurs voisins et leurs camarades dans les médias. Rien n'est jamais perdu vous dis-je.

Alors face à tout cela, le réchauffement climatique et la pollution de l'étang de Berre, c'est de la rigolade... Et nous venons de perdre Hubert Reeves, qui avait quand même une gueule bien plus sympathique que la camarade Greta. Il faudra un peu plus que les capitaines Fracasse de l'étang de Berre et de la transition écologique pour éviter de nous perdre en route.

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