J'ai dix ans



Plusieurs amis bienveillants sur LinkedIn se fendent d'un "J'aime" parce que c'est en ce moment mon dixième anniversaire professionnel, la création de mon activité comme consultant et coach indépendant. Je suis très content de toutes ces likeries et je réalise en effet en même temps qu'eux que "j'ai dix ans".
Alors effectivement cela me fait irrésistiblement penser à la chanson d'Alain Souchon. Lors d'un concert où j'étais allé, Souchon lançait sa chanson en disant qu'il n'avait pas conscience qu'il la chanterait aussi longtemps. Je partage.
L'autre point commun entre la chanson d'Alain Souchon et cet anniversaire professionnel, c'est le ton de défi des paroles : "t'are ta gueule à la récré". Il faut avoir un poil le sens du défi pour assumer son indépendance. Au cours de ces années je me suis d'ailleurs finalement reconnu une devise que résume parfaitement le titre du formidable film de Radu Mihailenu : "Va, vis et deviens".

Le professionnel indépendant a besoin d'avoir une vision très claire de ses intérêts. Connaître mes intérêts revient bien sûr à accepter qu'il y ait telle ou telle contrainte dans l'exercice, mais c'est surtout faire ce qu'il faut pour accueillir toutes les missions que j'ai envie de vivre.

T'are ta gueule à la récré

Il s'agit de tenir à l'écart les importuns, les faux amis, les arrogants. Il s'agit de résister à l'agressivité et à la mauvaise humeur que je me prend pleine face lorsque j'ouvre un journal, allume une télé ou parcours les réseaux dits sociaux. A tous ceux là, je dis "t'are ta gueule à la récré". Quelques exemples :

- Donald : j'avais écrit il y a plusieurs mois que Twitter était un oiseau bleu dont le nid avait été squatté par une bande de coucous braillards. J'ai écrit ça avant que ne surgisse au vu et au su de tous la vulgarité et l'arrogance du champion mondial du tweet, l'ineffable Donald du mur du çon, comme on dit dans le Canard. Les promoteurs de Twitter avaient-ils un jour envisagé que l'usage de leur idée favoriserait à ce point l'émergence de ce type de dirigeant et son succès ?

- Christine : prenez l'affaire Fillon. Quel que soit le degré de gravité des erreurs commises par cet homme, désormais entre les mains d'un juge unanimement considéré comme non complaisant, le déchaînement que cela entraîne est hallucinant. Nous pourrions imaginer que l'on attende que "justice passe". Mais cela ne va toujours pas assez vite pour satisfaire la Bête Polémique à laquelle s'abreuvent les justiciers de tout poil qui hantent rédactions, plateaux et réseaux. L'intervention de Christine Angot dans "l'Emission Politique" l'autre jour était de ce point de vue invraisemblable. Que l'équipe de l'émission ait jugé utile de la faire venir est en soi plus que discutable (comme le fut la venue de Kerviel face à Juppé l'automne dernier). Son comportement fut ensuite à la hauteur de sa réputation frelatée d'écrivaine de caniveau, pour ne pas dire de trottoir. Je veux bien qu'on aime pas Fillon, que l'on soit contre ses idées, que l'on soit choqué qu'il ait accordé à sa femme une rémunération qui paraît fort peu justifiée, mais un tel niveau d'attaque ad hominem, je ne suis pas d'accord, je me sens humilié en tant que citoyen.

Les bons moments

D'autant plus que cette campagne électorale pourrait être très intéressante. Le débat à cinq organisé sur TF1, comme tous les débats des deux primaires, l'avait d'ailleurs une fois de plus démontré. C'était un très bon moment de télé politique. Car ils sont tous intéressants, nos cinq impétrants, et ceci que l'on partage ou non leurs idées. Ils disent tous quelque chose de juste de ce que nous vivons, des failles et des fêlures de la société dans laquelle nous sommes et des possibilités que nous avons de faire avancer les causes qui nous tiennent à coeur.

La veille de ce débat, j'avais regardé "Au Tableau", l'excellente émission qui avait organisé la rencontre entre des enfants d'une école primaire d'Issy-les-Moulineaux et 4 candidats (Marine Le Pen a refusé, elle est bien bête). C'était rafraîchissant et passionnant car les enfants posent des questions très simples et essentielles, ils mettent le candidat en boîte gentiment et ceux-ci sont obligés de sortir du registre habituel. J'ai beaucoup apprécié de voir leurs candidats sans leurs masques.

Evitons donc de mettre nos masques et d'être contaminés par les masques que portent certains de nos bateleurs qui activent ces mécanismes d'échec dont parlait mon post précédent.

Quels Augustes ? Quels clowns blancs ?

Dans un post plus ancien, je disais que le vainqueur d'une élection est souvent davantage un "Auguste" qu'un "clown blanc" car les Augustes sont toujours beaucoup plus intéressants à écouter pour tous les enfants que nous sommes restés.

A la lumière du débat du 20 mars, je repère un seul clown blanc, Benoît Hamon, plutôt sympathique et intéressant au demeurant, dont la campagne patine. Je me dis qu'il risque de se faire doubler par Jean-Luc Mélenchon, qui a des capacités d'Auguste remarquables, quelle que soit l'opinion que l'on ait de ses idées. Macron a démontré des compétences réelles, Marine Le Pen a confirmé qu'elle sait faire et quant à Fillon, il émarge plutôt à la catégorie des clowns tristes. Pourtant il avait des compétences, derrière ses sourcils broussailleux et son volant de coureur automobile : les enfants de "Au Tableau" lui ont fait d'ailleurs avaler, non pas des couleuvres, mais des criquets, au nom d'un régime alimentaire d'ancien scout, assez surprenant, et il l'a fait avec ce sourire rentré qui signe chez lui une hilarité intérieure inquiète très intéressante à observer.

Bref, j'ai dix ans et l'une des choses les plus réjouissantes que j'ai vu à la télé ces dernières semaines était cette émission "Au Tableau". Tout n'est pas perdu !


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