Rien que des perdants




 La séquence "réforme des retraites" me cassait les pieds avant même de commencer. C'est vous dire dans quel état sont mes pieds après 3 mois d'énergie négative déversée dans mes oreilles, sous mes yeux et aussi dans mes narines pour peu que je fréquente certains quartiers de Paris.

J'ai créé ce blog de "chroniques" en 2007. J'ai vraiment commencé à l'utiliser en 2013, car j'ai longtemps hésité sur la forme à adopter.

Bref, depuis 10 ans, j'ai consacré au sujet "retraites" une série de chroniques où j'ai quand même fâcheusement l'impression de me répéter, à l'image des acteurs mêmes du spectacle.

Pour plonger dans mes archives, vous pouvez lire (relire ?) les articles suivants :

- dans celui-là, dédié fin 2015 à la COP21, je pose une question : "à quand un équivalent COP 21 sur le droit du travail ou sur les retraites ?". On peut toujours rêver et j'y passe un moment à rappeler les "ingrédients d'une bonne négo".

- je radote dans celui-ci, époque "Gilets Jaunes" fin 2018

- dans "les grands-pères et les jaunes verts", j'aborde, un peu de biais, le bazar qui pointe son nez sur la réforme dite "systémique"

- j'ai aussi chroniqué les mésaventures de Jean-Paul Delevoye, très bel exemple des règlements de comptes ad hominem que rencontrent ceux qui s'attaquent à ce sujet inflammable.

- il ne faut pas que j'oublie celui-là non plus !!

- le sujet s'invite même dans ma "carte de voeux" 2020

- j'aime beaucoup celui-là, c'est un de ceux qui reflètent le mieux ce que j'ai envie de dire sur le sujet

- Enfin il y a les trois derniers depuis ce début d'année : la kermesse ; le processus et celui-ci qui essaie de parler du travail en général

Les approches perdantes de la négociation : la confrontation, la manipulation, le compromis

Aujourd'hui, le sujet est-il épuisé ? Pas autant que moi face aux news du jour. Ce que j'observe en tout cas, c'est un univers peuplé de perdants, une démonstration jusqu'au boutiste des impasses dans lesquelles nous conduisent les trois approches classiques de la négociation :

- l'approche par la confrontation, avec son cortège (le cas de dire) de batailles d'arguments ou de feux de poubelles, de bras de fer et de "je ne lâche rien" voire de "foutage de gueule", de tête de ministre en forme de ballon de foot jusqu'aux effigies brûlées, aux locaux saccagés, d'insultes diverses et de bras d'honneur. Je disais dans un de mes posts précédents que les bras de fer ne servaient pas à marquer des points. Hélas certains croient encore aux bras de fer, et ils sont beaucoup trop nombreux.

- l'approche par la manipulation avec, simple exemple, Jean-Luc Mélenchon en orfèvre lorsqu'il fait la leçon à ses alliés qui retirent leurs amendements "bouchons" pour permettre un vote sur l'article 7 du projet et qu'il leur lance : "vous avez vraiment hâte de perdre ??". Eh oui, à ce moment de la discussion, il était probablement encore possible d'obtenir un vote favorable à l'Assemblée avant que cela ne file au Sénat, les députés LR n'étant pas encore tous tétanisés par le "bordel ambiant" et contaminés comme tous par un anti-macronisme plus puissant que l'anti-lepénisme. Résultat l'assemblée n'a pas voté, seul le Sénat l'a fait et cela a alimenté la bagarre. Je déteste Mélenchon mais c'est un grand malin.

- l'approche par le compromis, jouée par Elisabeth Borne et son ministre, laquelle conduit, concession après concession, à donner l'impression que cette réforme est un "canard sans tête" et à montrer aux opposants comme le député Aurélien Pradié, qu'ils ont tout à gagner à marchander comme des malades et à manipuler aussi, car les approches perdantes peuvent se cumuler !

Bref, tout le monde est aujourd'hui perdant : les manifestants, qui ont de l'aigreur plein leurs estomacs ; les dirigeants syndicaux, dont les stratégies n'ont pas trouvé de débouchés (je reste prudent, mais c'est encore le cas) ; le gouvernement, qui est épuisé, sur les rotules, à commencer par la première ministre ; le groupe Renaissance, qui fait assez largement la gueule ; les LR, fracturés comme jamais ; même la NUPES me semble très fragilisée car le jeu de cow-boys trumpistes de LFI (ils adorent cette comparaison 😈) chiffonne un peu leurs partenaires. Restent les lepénistes qui se sont mouillés le moins possible et peuvent espérer retirer les marrons de feu. 

Quant à Emmanuel Macron, il est plus détesté que jamais. Et cela le galvanise ! Car, pour tous ceux qui ne l'auraient pas encore remarqué, notre bon président est un sacré compétitif de derrière les fagots, qui a besoin d'action voire d'excitation, et qui aime prendre des risques et aller "contre". 

 Je ne sais pas si nous atteindrons des sommets ou si nous toucherons le fond, et je ne dis pas que tout cela est éternel, mais en ce moment, c'est saumâtre et pas juste à cause des poubelles qui font la fête. 

Les ingrédients d'une approche gagnante

Je vais donc me répéter mais l'approche gagnante suppose que les acteurs s'appuient sur les ingrédients suivants :

- un objet bien identifié, en l'espèce un enjeu unique ou pas trop fourre-tout : une réforme des retraites n'a pas pour objet de résoudre les difficultés de la vie de tout un chacun. Ce qui ne signifie pas nier ces difficultés.

- une reconnaissance des motivations de l'ensemble des parties prenantes, certaines sont communes, d'autres sont différentes, voire divergentes. Cela passe aussi par l'acceptation de l'idée que nous sommes tous dans le même bateau.

- des critères objectifs, grâce, par exemple, à des expertises reconnues faites en dehors des acteurs de premier rang. C'était la mission du COR (Comité d'Orientation des Retraites) et, le moins que je puisse dire, c'est qu'il failli. Il reste à le dissoudre ou à changer sa gouvernance

- des options créatives pour créer des opportunités, améliorer l'ordinaire, mettre de la flexibilité et de la souplesse. Plutôt que de dire "les syndicats n'ont pas proposé de compromis", mieux vaut dire "nous n'avons pas trouvé d'options pour combler le fossé entre nous".

- une communication qui respecte les personnes et ne confond pas le problème avec ceux qui en discutent. C'est là où Mélenchon se montre particulièrement consternant, mais comme il se fait un film dans lequel il joue 1789 voire 1793, son fantasme égotiste jette de grosses pelletées de sable dans les rouages.

- une stratégie relationnelle qui ne fait pas semblant. J'avoue qu'apprendre en marge de cette affaire que Mélenchon va prendre un verre à l'anniversaire de Zemmour, cela donne une idée des mixages de la réalité et après tout, pourquoi pas. Dans son excellent ouvrage : "On aura tout essayé..", Chloé Morin, analyste à la Fondation Jean Jaurès, explique bien que ce qui nous manque le plus, c'est la sincérité.

- une claire conscience des meilleures solutions de rechange à la négociation que possèdent les uns et les autres : grèves et blocages d'un côté, 49-3 de l'autre. 

J'aimerais que les journaux questionnent sur ces sujets les acteurs de ce psychodrame national récurrent mais je ne me fais pas d'illusions.

Bon, le ramadan commence mais je ne suis pas trop concerné, je préfère dire vivement Pâques !

Tout cela finira par bien s'écraser sur un oeuf, une poule, une cloche ou même un lièvre. Et encore en restè-je aux signes enfantins et populaires de cette fête. Je préfère glisser sur la crucifixion, tant qu'à faire, autant éviter d'aller jusque-là !

PS : une copine de gauche (j'en ai !!) me dit que, lorsque Mélenchon était à l'anniversaire de Zemmour, c'était quand Zemmour n'était qu'un journaliste. Soit. Mais je crois Zemmour quand il dit que Mélenchon l'a "conseillé" pendant la campagne. Je suis intimement convaincu que Jean-Luc Mélenchon est un gros bluffeur, un général Boulanger de gauche, bref un tigre de papier mais quand même très toxique car attiré par la violence. Donc je l'imagine très bien en train de papoter avec Zemmour, qui ne vaut pas mieux que lui d'ailleurs.

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